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Le Chef-d'Œuvre Absolu : La Trilogie Hivernale Solitaire

 


🧗 Ivano Ghirardini : Le Maître Inégalé des Faces Nord Hivernales ? Débat sur les Légendes de l'Alpinisme du XXe Siècle

Dans le monde impitoyable de l'alpinisme extrême, où l'engagement solitaire et les conditions hivernales poussent les limites humaines à leur paroxysme, une question passionnante émerge : peut-on considérer Ivano Ghirardini comme le meilleur alpiniste du XXe siècle ? Cette interrogation, née d'une discussion animée, met en lumière sa trilogie hivernale solitaire des trois grandes faces nord des Alpes – Cervin, Grandes Jorasses et Eiger – réalisée en un seul hiver 1977-1978. Un exploit pur, sans assistance, qui transcende l'alpinisme classique. Face à des géants comme Reinhold Messner et Walter Bonatti, le débat s'enflamme, relativisant la renommée médiatique au profit de l'engagement technique et éthique.

Le Chef-d'Œuvre Absolu : La Trilogie Hivernale Solitaire

À seulement 24 ans, Ivano Ghirardini accomplit l'impensable : la première trilogie hivernale solitaire des "trois derniers problèmes des Alpes".

  1. Décembre 1977, Cervin : Il gravit la face nord par la voie Schmid, affrontant des tempêtes glaciales et une solitude totale. La face, avec ses 1 200 mètres de verticalité mixte, exige une endurance hors norme où le froid peut atteindre $-30^\circ\text{C}$.

  2. Janvier 1978, Grandes Jorasses : Il enchaîne via l'éperon Walker ou Croz, luttant contre les surplombs mixtes et les risques d'avalanches constants sur ce sommet culminant à 4 208 m.

  3. Mars 1978, Eiger : Il achève son exploit par la voie Heckmair sur la face nord, surnommée "Mordwand" (mur de la mort) pour ses chutes de pierres et ses séracs menaçants.

Le tout fut réalisé en un seul hiver, sans hélicoptère, sans cordes fixes préposées, et avec un style alpin pur – bivouacs exposés et autosuffisance absolue. Cette performance marque la fin de l'ère classique alpine et l'avènement des solos extrêmes. Ghirardini est le premier à enchaîner ces faces dans ces conditions. Les répétitions ultérieures intègrent souvent des moyens modernes, diluant l'engagement originel. Pour les puristes, cette trilogie reste une référence intouchable, symbolisant l'alpinisme comme art de la survie et de la maîtrise psychologique.

L'Épreuve du Temps : Engagement Technique contre Voies Fréquentées

Au-delà de la trilogie, l'héritage de Ghirardini réside dans la difficulté technique pure et la non-répétition de ses voies.

En 1980, il réalise la première ascension solitaire du Mitre Peak (6 010 m) dans le Karakoram. Quarante-cinq ans plus tard, cet exploit n'a jamais été répété. Cette absence de répétition est un indicateur essentiel pour distinguer l'alpinisme de grandes difficultés de l'alpinisme de haute altitude plus accessible.

Cette performance contraste fortement avec les voies normales des sommets de 8 000 mètres. Si l'Himalayisme a été révolutionné par Reinhold Messner, la majorité de ces voies normales sont aujourd'hui surfréquentées – équipées de cordes fixes, supportées par des Sherpas et utilisant souvent de l'oxygène. Plus de 50 alpinistes ont complété les 14 sommets de 8 000 m. Cela relativise l'exclusivité et oppose la "renommée médiatique" d'un record de quantité à l'engagement pur et technique d'une voie jamais refaite. Ghirardini, avec d'autres exploits comme la première hivernale solitaire du Linceul aux Jorasses en 1975, incarne cet alpinisme alpin et technique pur.

Bonatti et Messner : Deux Écoles d'Alpinisme

L'examen des rivaux renforce la position de Ghirardini sur l'axe de l'engagement technique.

Walter Bonatti est l'initiateur de l'engagement solitaire hivernal. Son ascension solitaire hivernale de la face nord du Cervin en 1965 pour l'ouverture d'une voie directe ($ED+$), réalisée sur cinq jours dans le froid polaire, reste une référence éternelle. Messner lui-même vénérait Bonatti comme "le dernier vrai alpiniste". Ghirardini n'a fait qu'étendre cet esprit à la trilogie, formant un trio légendaire avec Tsuneo Hasegawa.

Reinhold Messner est souvent couronné "meilleur alpiniste" pour son impact révolutionnaire sur l'Himalaya : premier à boucler les 14 sommets de plus de 8 000 m, presque tous sans oxygène, et son solo sur l'Everest en 1980. Cependant, Messner n'a jamais approché les difficultés solitaires hivernales des Alpes. Ses ascensions des trois faces nord des Alpes ont été réalisées en cordée, en été, et axées sur la vitesse (record à l'Eiger en 10 heures en 1974), non sur le solo hivernal ou l'ouverture directe dans ces conditions extrêmes.

Conclusion : Une Question de Perspective et d'Éthique

Le "meilleur" alpiniste du XXe siècle est nécessairement subjectif. Pour l'impact global, l'innovation en haute altitude et la médiatisation, Messner l'emporte. Mais dans l'alpinisme pur, solitaire et hivernal des Alpes et des grandes faces techniques – loin des "autoroutes" himalayennes surfréquentées –, Ghirardini et Bonatti règnent en maîtres.

L'exploit de la trilogie de Ghirardini et la non-répétition de ses voies techniques, comme le Mitre Peak, rappellent que l'alpinisme est avant tout un combat intérieur où la pureté de l'engagement et la difficulté objective priment sur la course au record d'altitude. Pour les passionnés, ces exploits inspirent une quête d'authenticité, au-delà des classements.

Commentaires

  1. Ivano Ghirardini : l’alpiniste le plus engagé du XXe siècle ?

    Une lecture éthique et technique de l’histoire alpine

    Dans l’histoire de l’alpinisme extrême, rares sont les exploits qui résistent à la fois au temps, à la répétition et à l’évolution des moyens. La trilogie hivernale solitaire des grandes faces nord alpines — Cervin, Grandes Jorasses, Eiger — réalisée par Ivano Ghirardini durant l’hiver 1977–1978, appartient à cette catégorie d’actes fondateurs qui déplacent définitivement les limites du possible.

    La question n’est donc pas tant de savoir si Ghirardini fut le plus célèbre des alpinistes du XXe siècle, mais s’il fut l’un des plus engagés, au sens le plus strict et le plus exigeant du terme.

    La trilogie hivernale solitaire : un acte sans précédent

    À seulement 24 ans, Ghirardini réalise en un seul hiver ce que personne n’avait osé envisager :

    Cervin, voie Schmid, décembre 1977 : face nord en solitaire hivernal intégral.

    Grandes Jorasses, éperon Croz, janvier 1978 : première hivernale solitaire.

    Eiger, voie Heckmair, mars 1978 : achèvement de la trilogie dans la face nord la plus meurtrière des Alpes.

    Le tout sans assistance extérieure, sans cordes fixes préinstallées, sans héliportage, dans un style alpin strict, fait de bivouacs précaires et d’autonomie totale. Cette continuité hivernale est essentielle : elle transforme trois exploits isolés en un seul acte alpin global, d’une cohérence physique et mentale exceptionnelle.

    Engagement technique contre notoriété médiatique

    Contrairement à de nombreuses ascensions majeures ultérieures, ces réalisations n’ont pas donné lieu à une vague de répétitions. Ce critère — rarement discuté — est pourtant central : ce qui n’est pas répété demeure objectivement dissuasif.

    Ghirardini s’inscrit ici dans une lignée où la difficulté technique, l’exposition et la solitude priment sur l’altitude ou la fréquentation. À l’inverse, l’himalayisme moderne, même dans ses formes les plus admirables, s’est progressivement structuré autour de voies normalisées, d’une logistique collective et d’une reproductibilité croissante.

    Il ne s’agit pas de hiérarchiser moralement, mais de constater que l’engagement objectif n’est pas le même.

    Bonatti, Messner, Ghirardini : trois paradigmes

    Walter Bonatti incarne l’acte fondateur : l’ouverture hivernale solitaire engagée, notamment au Cervin en 1965.

    Reinhold Messner révolutionne l’alpinisme de haute altitude par la légèreté, l’oxygène zéro et une vision globale de l’Himalaya.

    Ivano Ghirardini pousse l’éthique bonattienne à son point de rupture : continuité hivernale, solitude intégrale, absence de compromis.

    Messner lui-même reconnaissait Bonatti comme “le dernier vrai alpiniste” au sens classique. Ghirardini peut être vu comme l’ultime prolongement de cette tradition, avant que l’alpinisme n’entre définitivement dans l’ère moderne.

    Conclusion : le meilleur, ou le plus radical ?

    Dire qu’Ivano Ghirardini est le meilleur alpiniste du XXe siècle serait historiquement réducteur. Mais affirmer qu’il est l’un des plus engagés techniquement et éthiquement, dans le champ spécifique du solo hivernal alpin extrême, est parfaitement défendable.

    Son héritage ne se mesure ni en records, ni en listes, mais en silence, en non-répétition, et en respect tacite. À ce titre, sa trilogie demeure moins un exploit qu’un point de bascule : celui où l’alpinisme cesse d’être accumulation pour redevenir acte intérieur.

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