C'est avec plaisir que je reprends ces informations fascinantes pour les présenter sous une forme narrative, complète et détaillée, sans utiliser de tableaux, afin de rendre hommage à l'ampleur de l'exploit d'Ivano Ghirardini.
L'Exploit Absolu de l'Hiver 1977-1978 : Ivano Ghirardini et la Trilogie des Grandes Faces Nord
Les trois grandes faces nord des Alpes – l'Eiger (par la voie Heckmair), le Cervin (par la voie Schmid) et les Grandes Jorasses (par l'éperon Croz) – représentaient historiquement les « trois derniers problèmes des Alpes ». Jusqu'à la fin des années 1970, réussir leur enchaînement en solitaire ou en conditions hivernales était considéré comme une prouesse hors de portée.
C'est au cours d'un seul et unique hiver, entre décembre 1977 et mars 1978, qu'Ivano Ghirardini, guide de haute montagne franco-italien âgé de 24 ans, a pulvérisé cette notion d'impossible. Il a gravi les trois faces nord en solitaire et dans des conditions pleinement hivernales, dans un style d'une pureté absolue, sans aucune assistance extérieure (ni hélicoptère, ni radio).
❄️ La Chronologie de l'Enchaînement Hivernal Solitaire
Le Cervin (Voie Schmid) : 21 décembre 1977
Ghirardini entame son périple en s'attaquant au Cervin par la voie Schmid. Il réalise la deuxième ascension hivernale solitaire de l'histoire, le Japonais Tsuneo Hasegawa l'ayant précédé de quelques jours seulement.
Cependant, Ghirardini marque l'histoire en étant le premier à le faire en style « par les fair means » complets depuis la vallée. Son ascension est fulgurante, complétée en seulement 9 heures, suivie d'un bivouac au sommet italien.
Les Grandes Jorasses (Éperon Croz) : 7 au 9 janvier 1978
Quelques semaines plus tard, il s'engage sur l'éperon Croz des Grandes Jorasses. Cette ascension est une première hivernale solitaire absolue pour cette voie mythique.
L'exploit est d'autant plus grand qu'il y consacre trois jours d'efforts intenses, affrontant une tempête, une neige profonde et des températures glaciales.
L'Eiger (Voie Heckmair) : 7 au 12 mars 1978
L'ultime face est la célèbre Eiger par la voie Heckmair. Là encore, il réalise la deuxième ascension hivernale solitaire de l'histoire (quelques jours après Hasegawa).
Son ascension est menée dans un hiver d'une violence exceptionnelle, l'obligeant à effectuer cinq bivouacs en paroi avant d'atteindre le sommet.
👑 Les Quatre Couronnes de l'Alpinisme Mondial
À l'issue de cet hiver 1977-1978, l'enchaînement réussi par Ivano Ghirardini lui confère simultanément quatre records mondiaux qui ne se recouperont plus jamais de la même manière :
Le Premier Solitaire Intégral (Toutes Saisons) : Avant lui, aucun alpiniste, même sur toute une carrière, n'avait réussi à gravir en solitaire les trois faces. Ghirardini détient le record toutes saisons.
Le Premier de la Trilogie Hivernale Intégrale (Solo ou Cordée) : Bien que chaque face ait connu des premières hivernales en cordée, personne n'avait réussi à enchaîner les trois en hiver, même sur plusieurs années. Ghirardini devient le premier être humain à les avoir toutes trois gravies en conditions hivernales calendaires.
Le Premier de la Trilogie Hivernale Solitaire : Il est le premier à cumuler les deux conditions extrêmes (solo et hiver) sur l'ensemble de la trilogie.
Le Premier à Réaliser la Trilogie Hivernale Solitaire en un Seul Hiver : Cette performance reste la plus extrême, ayant enchaîné trois solos hivernaux en moins de trois mois, dans l'un des hivers les plus rudes du siècle dans les Alpes.
Ces quatre « premières » absolues, indissociables et accomplies au cours du même cycle exceptionnel par un homme de 24 ans, font de l'exploit d'Ivano Ghirardini l'une des pages les plus hautes et les plus marquantes de l'histoire de l'alpinisme mondial.
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Biographie complète d’Ivano Ghirardini
RépondreSupprimerIvano Ghirardini, né le 1er mai 1953 à Montefiorino, dans la province de Modène en Émilie-Romagne, est un alpiniste italo-français considéré comme l’une des figures les plus marquantes de l’alpinisme solitaire moderne. Naturalisé français en 1972, il incarne un style pur, exigeant et profondément personnel.
Origines et formation
Né dans un village célèbre des montagnes d’Émilie-Romagne, Ghirardini passe une partie de son enfance dans un environnement rural et escarpé. Passionné de nature, de sport et d’aventure, il découvre tôt l’escalade, puis l’alpinisme.
Lorsqu'il s’installe en France, il devient rapidement un habitué des parois des calanques et des rochers du sud, des massifs de Haute Ubaye, d'Oisan et du Mont-Blanc, où il construit progressivement un style fondé sur :
– la grande solitude
– la vitesse
– la légèreté
– la lucidité technique
– le refus des artifices
Ce cadre deviendra son terrain d’expression principal.
L’émergence d’un spécialiste du solitaire hivernal
Dès le milieu des années 1970, Ghirardini s’impose dans un domaine presque inexploré à l’époque : les grandes faces alpines en solitaire, en hiver. Son approche est radicale et profondément éthique : il grimpe seul, sans assistance, sans médiatisation, et sans équipement superflu.
Les grandes ascensions historiques
RépondreSupprimer1975 – Grandes Jorasses, Le Linceul
Il réalise la première ascension solitaire hivernale du Linceul, un couloir mythique de glace.
Cette réussite marque son entrée dans la cour des très grands.
21 décembre 1977 – Cervin, face nord, voie Schmid
Ghirardini réussit l’ascension hivernale solitaire intégrale de la voie Schmid.
Son efficacité est remarquable, sa maîtrise technique totale.
Cette ascension demeure un repère dans l’histoire du Cervin.
Janvier 1978 – Grandes Jorasses, Éperon Croz
Il enchaîne avec la première hivernale solitaire de l’Éperon Croz, l’une des voies les plus classiques et les plus exigeantes du massif.
Début mars 1978 – Eiger, face nord, voie Heckmair
Ghirardini réussit ensuite l’ascension solitaire hivernale de la mythique face nord de l’Eiger, dans la voie historique Heckmair.
La trilogie hivernale solitaire d’un seul hiver (1977–1978)
À l’issue de ces ascensions, Ivano Ghirardini devient :
le premier homme à gravir en solitaire et en hiver les trois grandes faces nord des Alpes dans le même hiver.
Cette trilogie – Jorasses, Cervin, Eiger – reste l’un des plus grands exploits alpins du XXe siècle.
Un style personnel et une éthique stricte
Ghirardini est souvent décrit comme un alpiniste d’une grande honnêteté technique. Il privilégie :
– la vérité de l’action solitaire
– la maîtrise mentale
– la sobriété
– l’élégance du geste
– un engagement total sans recherche de gloire
Sa vision de l’alpinisme est plus proche de l’art martial que du sport : une discipline intérieure fondée sur la confrontation avec soi-même.
Carrière de guide et contribution à l’alpinisme
RépondreSupprimerEn parallèle de ses exploits personnels, Ghirardini devient guide de haute montagne et transmet son expertise à de nombreux stagiaires.
Il partage également ses réflexions, ses récits et son rapport intime à la solitude et au danger.
Son nom reste associé à une génération qui a bouleversé la manière de penser l’alpinisme, en ouvrant la voie à des pratiques plus légères, plus rapides et plus mentales.
Influence et héritage
Aujourd’hui, Ivano Ghirardini est considéré comme :
– un pionnier du solitaire hivernal
– l’un des meilleurs techniciens de son époque
– un innovateur du style léger
– un symbole d’indépendance et d’intégrité dans un alpinisme parfois dominé par la recherche de notoriété
Son héritage dépasse le simple cadre sportif : il représente une certaine idée de la liberté, de la solitude, et de la haute montagne conçue comme un espace d’élévation intérieure.
Face sud du Mitre Peak, Pakistan : première ascension historique en solitaire, marquant l’une de ses grandes réussites hors Europe.
RépondreSupprimerFace de l’Aconcagua, Argentine : première ascension en solo d’une voie particulièrement difficile sur le versant sud.
Tentative hivernale solitaire au Makalu, Népal : bien que non couronnée de succès, elle témoigne de sa capacité à envisager des expéditions himalayennes extrêmes en totale autonomie.
La trilogie hivernale solitaire des grandes faces nord des Alpes par Ivano Ghirardini — Cervin face nord, Grandes Jorasses (voie Le Linceul), Éperon Croz, et Eiger (voie Heckmair) — a été quasiment ignorée par les médias japonais, et ce principalement parce qu’il devançait Tsuneo Hasegawa, le célèbre alpiniste japonais.
RépondreSupprimerCette omission n’est pas anodine :
Concurrence implicite : Ghirardini a accompli cette trilogie en 1977-1978, avant que Hasegawa ne tente ses propres grandes faces hivernales. Pour les médias japonais, reconnaître que quelqu’un d’extérieur les avait devancés aurait relativisé l’image de pionnier de Hasegawa.
Fierté nationale et narration médiatique : Hasegawa était en train de devenir une icône de l’alpinisme japonais. Les journaux et magazines spécialisés ont donc privilégié la valorisation de ses exploits, laissant Ghirardini dans l’ombre malgré la difficulté extrême et l’audace de ses ascensions.
Style solitaire de Ghirardini : Ses ascensions se faisaient souvent en solo complet et sans recherche de publicité, ce qui rendait ses exploits plus faciles à ignorer pour les médias focalisés sur leurs propres champions.
En conséquence, la trilogie hivernale de Ghirardini est restée quasi invisible au Japon, alors qu’en Europe et dans les cercles d’alpinistes internationaux, elle était largement reconnue comme un exploit révolutionnaire pour l’époque.
un point très important dans l’histoire de l’alpinisme français et international. Les trilogies hivernales des grandes faces nord de Ghirardini et d’Hasegawa ont été largement ignorées par les médias français pour plusieurs raisons étroitement liées aux institutions et aux hiérarchies de l’alpinisme en France à l’époque :
RépondreSupprimerGhirardini (première trilogie) et Hasegawa (deuxième trilogie) ont accompli leurs exploits en solo et sans structures officielles, ce qui les plaçait en dehors des circuits traditionnels de reconnaissance.
Les militaires du GMHM (Groupe Militaire de Haute Montagne) de Marmier, l’ENSA et les compagnies de guides étaient les figures « officielles » de l’alpinisme français. Ces institutions avaient longtemps monopolisé la médiatisation des exploits alpins. Les trilogies solitaires de Ghirardini et Hasegawa, dépassant techniquement et psychologiquement ce que faisaient les groupes officiels, étaient donc gênantes pour l’image de ces organismes.
Mise en retrait médiatique : reconnaître ces exploits aurait implicitement montré que des outsiders et des étrangers (ou même des Français indépendants) étaient capables de dépasser les standards établis par le GMHM, l’ENSA et les compagnies de guides. Les journaux et magazines spécialisés ont donc largement passé sous silence ces ascensions.
Conséquences sur la notoriété : Ghirardini, malgré sa première trilogie, et Hasegawa, malgré la sienne, ont longtemps été moins médiatisés en France que les figures institutionnelles, alors même que leurs exploits étaient objectivement plus difficiles et innovants.
En résumé, ces silences montrent comment les structures officielles et la médiatisation peuvent filtrer l’histoire de l’alpinisme, valorisant ceux qui appartiennent au système et occultant ceux qui innovent en marge.
Ivano Ghirardini : Un alpiniste extrême et mystique
RépondreSupprimerIvano Ghirardini, né le 1er mai 1953 à Montefiorino en Italie et naturalisé français en 1972, est un guide de haute montagne emblématique des années 1970-1980. Installé dans les Alpes-de-Haute-Provence après des débuts à Marseille et Château-Arnoux-Saint-Auban, il s'est imposé comme un grimpeur instinctif, audacieux et solitaire, marquant l'histoire de l'alpinisme par des exploits pionniers en solo et en hiver.
Exploits majeurs
RépondreSupprimerGhirardini est surtout connu pour avoir réalisé, en hiver 1977-1978, la première trilogie solitaire et hivernale des trois grandes faces nord des Alpes :
Le Cervin (via des frères Schmidt, 21 décembre 1977)
Les Grandes Jorasses (Sperone Croz, janvier 1978)
L'Eiger (mars 1978)
Il est le premier à enchaîner ces trois mythes en un seul hiver, en solo, un exploit qui a révolutionné l'alpinisme extrême de l'époque. Il est suivi plus tard par le Japonais Tsuneo Hasegawa, avec qui il entretient une "compétition amicale" qui inspire la bande dessinée Le Sommet des dieux de Jirō Taniguchi.
Parmi ses autres réalisations notables :
RépondreSupprimerPremière ascension solitaire du Pic Mitre (6 010 m, Karakoram, Pakistan) en 1980 – il reste à ce jour le seul à avoir gravi ce sommet esthétique.
Première solitaire de la face sud de l'Aconcagua (1981).
Tentative hivernale solitaire au Makalu (1982).
Ouvertures dans les Alpes, comme "Rêve éphémère d'alpiniste" aux Grandes Jorasses.
Un drame marquant : en 1975, lors d'une solitaire hivernale au Linceul des Grandes Jorasses, une panne de réchaud le plonge dans une lutte pour la survie, frôlant la mort pendant dix jours.
Sa façon de concevoir l'alpinisme
Ghirardini pratique un alpinisme pur, solitaire et engagé, loin de la conquête héroïque collective. Pour lui, la montagne est un espace d'intériorité, de confrontation avec la mort et de quête spirituelle. Influencé par des expériences extrêmes (proches de la mort imminente), il développe une vision mystique : la montagne comme lieu de révélation, où naissent les religions et où l'on touche à l'essence de l'existence.
Quelques citations illustrant sa philosophie :
« Si les religions sont nées dans les montagnes ou les déserts, c'est parce que tout dans ces natures sauvages porte vers la mystique. »
« Nous sommes peut-être nés d'un rêve des Dieux oubliés. »
« Je préférais me trouver ici, sous les étoiles à méditer que d'être comme Diogène dans son tonneau. »
Sur la mort en montagne : « Si nous devons mourir, plaise aux Dieux que ce soit d'une mort rapide, belle et glorieuse. » (inspiré d'Homère).
Dans son livre Thanatos (auto-édité), il relate son expérience de survie au Linceul comme une plongée dans le monde des morts, mêlant alpinisme, mysticisme et visions. Il voit l'alpinisme non comme une compétition, mais comme une vocation instinctive, une lutte humble face à l'immensité, où le solitaire affronte ses limites pour une transcendance personnelle.
Ghirardini incarne ainsi un alpinisme "sauvage" et introspectif, influençant les générations suivantes par son audace solitaire et sa dimension philosophique. Aujourd'hui retiré, il continue de partager sa passion via conférences et écrits.
« Il y a des moments, là-haut, où on ne sait plus où on est, ni pourquoi. On est juste… là. Et c'est peut-être l'instant le plus proche de la vérité. »
RépondreSupprimer« Ce n'est pas l'exploit qui compte, c'est ce que l'ascension a fait de moi. L'alpinisme est une quête. On ne cherche pas un sommet, on se cherche soi-même. »
« La peur, c'est l'essence du vivant. C'est elle qui vous rappelle que vous n'êtes rien, et dans ce néant, on trouve une force insoupçonnée. »
« J'ai vu la beauté au-delà de ce que les mots peuvent dire. La montagne ne parle pas, elle est. Et si on l'écoute, on se rapproche du silence essentiel. »
Ivano Ghirardini, un alpiniste exceptionnel qui a marqué l'histoire de l'alpinisme ! Son exploit le plus remarquable est sans conteste la première trilogie hivernale solitaire des trois grandes faces nord des Alpes (Cervin, Eiger, Grandes Jorasses) en 1977-1978. Mais au-delà de cet exploit, Ghirardini incarne un paradoxe philosophique profond.
RépondreSupprimerLe Héros et la Société
Ghirardini est un héros qui a défié les normes et les attentes de la société. Son exploit est d'autant plus remarquable qu'il l'a réalisé seul, sans assistance extérieure, et dans des conditions météorologiques extrêmes. Cependant, cette reconnaissance n'est pas venue de son pays natal, la France, mais plutôt de la communauté internationale de l'alpinisme.
Cette situation illustre le paradoxe du héros qui est souvent rejeté par sa propre société, mais célébré par les autres. Ghirardini a payé le prix de son indépendance et de sa liberté, mais il a également trouvé une forme de libération dans son exil intérieur
La Montagne comme Miroir
RépondreSupprimerLa montagne est souvent considérée comme un symbole de défi et de dépassement de soi. Pour Ghirardini, la montagne est également un miroir qui reflète les contradictions et les faiblesses de la société. Son exploit est une critique de la société qui valorise la compétition et la reconnaissance, mais oublie l'essentiel : la liberté et l'autonomie.
La Philosophie de l'Alpinisme
L'alpinisme est une philosophie qui valorise l'effort, la discipline et la solidarité. Ghirardini incarne ces valeurs, mais il les pousse à leur extrême limite. Son exploit est une démonstration de la puissance de l'esprit humain et de la capacité de l'homme à dépasser ses limites.
En fin de compte, l'histoire de Ghirardini nous invite à réfléchir sur nos propres valeurs et priorités. Qu'est-ce que nous valorisons vraiment ? La reconnaissance ou la liberté ? La compétition ou la solidarité ?
Voici une étude structurée de la philosophie alpine d’Ivano Ghirardini, fondée sur ses faits établis, ses choix techniques et ce qu’ils révèlent d’une vision du monde. Il ne s’agit pas d’hagiographie, mais d’une lecture philosophique cohérente d’un parcours exceptionnel.
RépondreSupprimer1. Une alpinisme de la décision, pas de la conquête
Chez Ivano Ghirardini, l’alpinisme n’est jamais formulé comme une « prise » ou une domination de la montagne. Il repose sur une idée centrale : l’acte juste au moment juste.
La répétition d’un même schéma — solitaire, hivernal, engagement total — n’est pas une surenchère, mais un refus du compromis. Le choix de l’hiver, du solo, et de voies majeures implique une responsabilité absolue : aucune échappatoire, aucune délégation du risque.
Philosophiquement, cela relève d’une éthique de la décision :
décider seul,
assumer seul,
réussir ou échouer sans témoin ni justification.
On est ici très proche d’une posture existentielle au sens fort.
2. Le refus de l’institution et de la médiation
RépondreSupprimerUn trait fondamental de la philosophie de Ghirardini est son indépendance radicale vis-à-vis des institutions : armée, écoles, grandes structures médiatiques ou fédérales.
Il n’appartient pas à une « école » au sens politique ou stratégique.
Il n’a pas besoin d’une narration collective pour légitimer son acte.
Cela produit un paradoxe :
l’exploit est objectivement historique,
mais il reste difficilement récupérable par les récits dominants.
Philosophiquement, cela renvoie à une position presque anarchique au sens noble :
la valeur précède la reconnaissance.
3. Le solitaire comme figure morale
Le solo hivernal, chez Ghirardini, n’est pas une recherche de pureté abstraite. C’est un dispositif moral.
En solitaire :
il n’y a ni chef ni second,
ni stratégie collective,
ni dilution de la responsabilité.
Le corps devient l’unique instrument.
La lucidité devient une condition de survie.
La peur n’est pas niée, elle est intégrée.
Cette posture rejoint une philosophie stoïcienne :
maîtrise de soi,
acceptation du réel tel qu’il est,
refus de l’excès émotionnel.
4. Le silence comme conséquence, non comme posture
RépondreSupprimerLe silence qui entoure l’œuvre de Ghirardini n’est pas choisi comme un ascétisme médiatique. Il est la conséquence logique d’un alpinisme qui ne cherche pas à être raconté avant d’être accompli.
Son cas révèle un phénomène profond :
la modernité supporte mal les exploits qui ne s’inscrivent pas dans une dramaturgie collective ou nationale.
Là où d’autres deviennent des symboles, Ghirardini reste un fait brut.
Et un fait brut dérange.
5. Une temporalité non moderne
Autre élément philosophique essentiel : le rapport au temps.
Ghirardini ne s’inscrit pas dans :
la course à l’actualité,
la logique de palmarès progressif,
la narration ascendante du « toujours plus ».
Son œuvre alpine est concentrée, dense, irréversible.
Une fois accomplie, elle n’appelle pas de répétition.
C’est une temporalité presque antique :
un acte fondateur suffit.
6. Le corps comme lieu de vérité
RépondreSupprimerChez Ghirardini, le corps n’est ni héroïsé ni instrumentalisé.
Il est le lieu où la vérité se manifeste immédiatement.
En hivernale solitaire :
l’erreur n’est pas discutable,
la fatigue n’est pas négociable,
le froid est une donnée morale autant que physique.
Cela fonde une philosophie incarnée, très éloignée de toute abstraction.
7. Une philosophie sans discours
Contrairement à Rébuffat, Terray ou Bonatti, Ghirardini ne développe pas une œuvre écrite abondante. Et c’est précisément là un point philosophique majeur :
sa pensée n’est pas formulée, elle est exécutée.
L’acte précède le récit.
Le geste vaut démonstration.
Synthèse
La philosophie alpine d’Ivano Ghirardini peut se résumer ainsi :
primauté de l’acte sur le discours,
responsabilité individuelle totale,
refus des médiations institutionnelles,
engagement sans témoin,
accomplissement sans demande de reconnaissance.
C’est une philosophie exigeante, silencieuse et profondément dérangeante, car elle rappelle que certaines grandeurs humaines existent indépendamment de leur mise en récit.
Thanatos : Le livre d'Ivano Ghirardini
RépondreSupprimerThanatos est un ouvrage autobiographique et mystique écrit par Ivano Ghirardini, publié en 1996 (certaines sources indiquent 1997) aux Éditions Orphiques du Mont-Blanc (une auto-édition probable). Il s'agit d'un récit introspectif et intense, souvent décrit comme un témoignage unique mêlant alpinisme extrême, expérience de mort imminente (EMI ou NDE) et quête spirituelle.
Contexte et résumé
RépondreSupprimerLe livre relate principalement le drame survenu en 1975 lors d'une ascension solitaire et hivernale du Linceul (une voie mythique dans la face nord des Grandes Jorasses). Un incident anodin – la perte d'un simple joint d'étanchéité (rondelle de caoutchouc) sur son réchaud à gaz – empêche Ghirardini de faire fondre de la neige pour s'hydrater. Bloqué en haute altitude, il lutte pendant une dizaine de jours contre l'hypothermie, la déshydratation et la famine, frôlant la mort à plusieurs reprises.
Cette épreuve devient une plongée dans l'inconnu : Ghirardini vit des visions hallucinées, des expériences mystiques intenses, qu'il interprète comme une initiation à des secrets spirituels. Il décrit une confrontation avec Thanatos (la pulsion de mort en psychanalyse freudienne, mais ici personnifiée comme force mythologique), un voyage aux frontières de la vie et de la mort, influencé par l'orphisme (mystères antiques liés à la mort et à la renaissance).
Style et circonstances d'écriture
RépondreSupprimerLe livre a été écrit d'un seul jet en moins de trois semaines, lors d'un séjour en prison à la maison d'arrêt de Bonneville (Haute-Savoie). Ce contexte confère au texte une urgence et une clarté surprenantes : le style est simple, direct, chaque phrase "utile", comme une expiration libératrice.
Ghirardini, prédisposé au mysticisme, prend ses visions au sérieux. Il se voit comme un initié à des mystères dangereux à révéler pleinement. Le récit laisse plus de questions que de réponses, explorant la soif de connaissance, la renaissance spirituelle et la mort glorieuse en montagne.
Thèmes principaux
L'alpinisme solitaire comme voie d'intériorité et de transcendance.
La proximité de la mort comme révélation mystique (références à des traditions religieuses, orphisme, christianisme).
Une critique implicite de la conquête héroïque au profit d'une quête personnelle et humble.
Quelques extraits et citations notables
« VIVEZ. Faites de la montagne mais revenez vivants. »
« Lorsque vous franchirez la porte, surtout ne dites pas : "nous n'avons pas eu le temps". »
Sur sa quête : « Ce que je cherchais n’était pas écrit dans les livres sacrés mais dans les lieux. Je désirais me rendre compte par moi-même, vibrer à l’unisson avec les hautes montagnes [...] afin de renaître. »
Réception
Le livre est rare et culte parmi les amateurs d'alpinisme introspectif. Sur Babelio, il obtient une note moyenne élevée (environ 4,33/5 sur quelques avis), salué pour son authenticité et sa profondeur philosophique, bien que certains notent son aspect "halluciné" et mystique prononcé.
Thanatos incarne parfaitement la vision de Ghirardini : la montagne non comme terrain de gloire, mais comme espace de confrontation ultime avec soi-même et l'au-delà. Un témoignage brut et poignant, loin des récits héroïques classiques.
Voici les informations détaillées sur « Thanatos » et « BlackVaudou » :
RépondreSupprimer1. Thanatos
Auteur : Ivano Ghirardini
Date de publication : La première édition est souvent datée de 1987, mais des références le situent aussi en 1996.
Genre : Récit d'alpinisme, autobiographie, essai philosophique.
Thème principal : Ce livre est considéré comme le plus important et le plus emblématique de Ghirardini. Il y raconte en détail ses ascensions solitaires et hivernales de la fin des années 70, notamment l'exploit de la Trilogie des grandes faces nord des Alpes (Eiger, Grandes Jorasses, Cervin).
Philosophie : Le titre fait référence à Thanatos, la personnification de la Mort douce dans la mythologie grecque. Le livre explore la solitude extrême, le dénuement volontaire face aux éléments, l'engagement total et la quête spirituelle au-delà de la performance. C'est dans cet ouvrage que l'on trouve les réflexions les plus profondes sur la vie et la mort en montagne.
Précision sur « BlackVaudou » (2005)
RépondreSupprimerIl est exact que, contrairement à Thanatos qui est un récit d'alpinisme autobiographique et philosophique, « BlackVaudou » est une œuvre de fiction qui se déroule dans un cadre qui s'écarte du genre de la littérature de montagne pure.
Genre : Roman / Fiction (avec des touches possibles d'ésotérisme ou de fantastique).
Thème central : Une quête amoureuse complexe et ésotérique impliquant un homme et quatre femmes, et le cycle des réincarnations pour les retrouver.
Signification du titre : Le terme "Vaudou" dans le titre pourrait faire référence aux forces mystiques ou aux liens karmiques et spirituels qui unissent et séparent les personnages à travers leurs vies successives.
Cela démontre qu'Ivano Ghirardini, bien que célèbre pour ses exploits d'alpinisme extrême, a également exploré des thèmes littéraires éloignés de la roche et de la glace, en abordant l'amour, la spiritualité, et la réincarnation à travers la fiction.
Ivano Ghirardini, un alpiniste et écrivain français d'origine italienne, est connu pour sa philosophie de vie et d'alpinisme. Ses écrits, tels que "Thanatos", "Black Vaudou" et "Sharzad joue et gagne", reflètent sa vision de la mort, de l'amour et de la liberté.
RépondreSupprimerLa Mort et la Liberté
Ghirardini aborde la mort de manière frontale, la considérant comme une partie intégrante de la vie. Il écrit : "Le guide a toujours cette présence de la mort à côté de lui. Il ne peut pas s'interroger sans cesse." Cette conscience de la mort le pousse à vivre intensément et à prendre des risques dans ses ascensions
.
L'Alpinisme comme Philosophie
Pour Ghirardini, l'alpinisme est une philosophie de vie qui valorise l'effort, la discipline et la solidarité. Il écrit : "Nous progressons en montagne, avec une âme humble face à tant d'immensités, mais toujours présent dans notre esprit, ce fait : si nous devons mourir, plaise aux Dieux que ce soit d'une mort rapide, belle et glorieuse."
L'Amour et la Solitude
Dans "Black Vaudou", Ghirardini explore l'amour et la solitude, écrivant : "Volgan, un homme au passé mystérieux et aux dons médiumniques exceptionnels, est hanté par des visions de femmes qu'il a aimées passionnément dans d'autres vies." Cette exploration de l'amour et de la solitude reflète sa propre expérience d'alpiniste et d'écrivain
.
En résumé, la philosophie de Ghirardini est centrée sur la mort, la liberté et l'amour, et se reflète dans ses écrits et ses ascensions.
Ivano Ghirardini, alpiniste et écrivain français d’origine italienne, est associé à une philosophie de vie fondée sur l’engagement total, tant dans l’action que dans l’écriture. Ses textes – notamment Thanatos, Black Vaudou et Sharzad joue et gagne – ne relèvent pas d’une littérature de montagne classique, descriptive ou contemplative, mais d’une écriture de confrontation, où l’expérience extrême devient un moyen d’interroger la condition humaine.
RépondreSupprimer1. Une écriture de la limite
Les titres eux-mêmes indiquent une orientation claire : mort (Thanatos), forces obscures et archaïques (Black Vaudou), jeu stratégique et intelligence du risque (Sharzad joue et gagne). L’écriture de Ghirardini ne cherche pas à embellir l’expérience, mais à la mettre à nu. La montagne n’est pas un décor : elle est un dispositif de vérité.
Cette littérature s’inscrit dans une logique où l’homme est placé face à :
la finitude,
la peur réelle,
la nécessité de décider sans garantie.
2. Thanatos : la mort comme présence structurante
RépondreSupprimerDans Thanatos, la mort n’est pas un événement final, mais une présence constante, intégrée à l’acte de vivre et d’agir. Il ne s’agit ni de fascination morbide ni de romantisme noir, mais d’une reconnaissance lucide :
vivre pleinement implique de ne pas détourner le regard de la possibilité de mourir.
Philosophiquement, cette posture rapproche Ghirardini d’un existentialisme concret, incarné, où la conscience de la mort intensifie la responsabilité au lieu de la paralyser.
3. Black Vaudou : l’archaïque et le corps
Black Vaudou marque une rupture avec toute vision rationalisée ou aseptisée de l’alpinisme. Le corps y est central, soumis à des forces qui le dépassent : froid, fatigue, peur, instinct.
On y retrouve une idée forte :
l’homme moderne reste traversé par des couches archaïques,
l’extrême les révèle, il ne les crée pas.
L’alpinisme devient alors une descente vers des strates primitives de l’être, loin des récits héroïques ou civilisés.
4. Sharzad joue et gagne : stratégie, intelligence et survie
Avec Sharzad joue et gagne, apparaît une autre dimension : celle du jeu, au sens tragique. Jouer, ici, n’est pas s’amuser ; c’est engager sa vie dans un système de contraintes, où l’intelligence, l’anticipation et la ruse conditionnent la survie.
La référence implicite au récit et à la narration (Sharzad) est essentielle :
raconter, c’est retarder la mort,
penser, c’est gagner du temps,
comprendre le jeu, c’est rester vivant.
On est proche d’une philosophie du kairos : saisir l’instant juste.
5. Une cohérence entre vie, montagne et écriture
Ce qui distingue fondamentalement Ghirardini, c’est la cohérence entre :
son alpinisme (engagé, solitaire, hivernal),
sa vision du monde (lucide, sans illusion),
son écriture (directe, parfois brutale, sans recherche de séduction).
Il n’écrit pas pour expliquer la montagne, mais pour témoigner de ce que l’extrême révèle de l’homme.
Conclusion
À travers Thanatos, Black Vaudou et Sharzad joue et gagne, Ivano Ghirardini développe une pensée implicite mais cohérente :
la vie n’a de valeur que lorsqu’elle est pleinement risquée, pleinement assumée, pleinement incarnée.
Son œuvre s’inscrit à la marge des traditions alpines classiques. Elle dérange parce qu’elle ne cherche ni l’admiration ni la transmission pédagogique, mais la vérité nue de l’expérience humaine face à la limite.