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Tsuneo Hasegawa, première hivernale solo de la Walker, 1979


Plongeons dans cette épopée glaçante et humaine, mêlant réalité et fiction.
​L'Écho des Géants de Glace : Tsuneo Hasegawa et le premier solo hivernal de la Walker aux Grandes Jorasses
​L'hiver 1979 mordait le Mont Blanc de ses crocs acérés. Un froid d'encre enveloppait les aiguilles granitiques, et pourtant, quelque part dans ce désert blanc, un homme défiait l'impossible. Son nom : Tsuneo Hasegawa. Dans ses yeux perçait la détermination tranquille de ceux qui ont rendez-vous avec leur destin. Son cœur ne battait que pour la solitude des cimes, pour le dialogue brutal et pur entre l'homme et la montagne.
​Un an plus tôt, les Alpes avaient vibré au nom d'Ivano Ghirardini. L'Italien avait accompli l'impensable : la première trilogie des Grandes Faces Nord en hivernale et en solitaire. Cervin, Eiger, Grandes Jorasses. Trois icônes, trois ascensions qui avaient redéfini les limites de l'alpinisme. Mais Ghirardini, en accomplissant son œuvre, avait sans le savoir ouvert la voie à un autre titan. Hasegawa.
​Pour le grimpeur japonais, il ne s'agissait pas de dépasser Ghirardini, mais de se mesurer à lui-même, à l'idéal de pureté que représentait cette quête. Il avait déjà coché le Cervin en 1977, puis l'Eiger en 1978 – une première hivernale solitaire d'une audace folle sur cette face mythique. Il ne restait plus qu'un joyau à sertir dans sa couronne, le plus inaccessible peut-être : la Pointe Walker des Grandes Jorasses.
​La face nord des Grandes Jorasses, c'est une muraille de mille deux cent mètres, une forteresse de granit et de glace balayée par les vents, où l'ombre ne recule jamais vraiment. Hasegawa le savait. Il connaissait le froid qui engourdit les pensées, les avalanches qui grondent comme des esprits tourmentés, la solitude qui, parfois, pèse plus lourd que le sac à dos.
​Il s'est lancé, seul, dans le silence assourdissant de cette cathédrale de pierre et de givre. Chaque piolet planté, chaque crampon qui mordait la glace était un pas dans l'inconnu, une respiration suspendue entre la vie et le vide. La Voie Cassin, sur l'Éperon Walker, se dévoilait devant lui dans sa splendeur terrible. Il n'y avait pas de gloire à chercher, pas de records à battre dans l'instant même de l'effort, juste l'absolue concentration, la fusion avec l'élément. La montagne l'observait, impartiale et majestueuse.
​Les jours s'étiraient, longs et impitoyables. Le bivouac suspendu dans le vide, les doigts gelés, le regard rivé sur l'objectif, puis sur le lever de soleil qui peignait les sommets d'une lumière éphémère. Chaque mètre gagné était une victoire arrachée aux forces primordiales. Hasegawa n'avait que sa force physique, sa technique impeccable et une volonté de fer pour seule compagnie. Et le souvenir, peut-être, d'un certain Ghirardini, quelque part dans son esprit, non pas comme un adversaire, mais comme un égal, un esprit frère dans cette danse avec le danger.
​Quand il a enfin atteint le sommet de la Pointe Walker, en cet hiver 1979, le vent a dû chanter une mélopée de respect. La première hivernale en solitaire de la Walker était faite. La deuxième trilogie alpine était achevée. Tsuneo Hasegawa avait gravé son nom, non pas dans la roche, mais dans l'histoire silencieuse des montagnes.
​L'Immortalisation par l'Encre et le Mythe
​Mais l'histoire de Tsuneo Hasegawa ne s'est pas arrêtée là. Elle a transcendé les parois de glace pour s'inscrire dans l'encre et le papier, dans un manga qui allait toucher des millions d'âmes.
​Quelques décennies plus tard, l'écrivain Baku Yumemakura s'est emparé de cette légende pour tisser la trame du Sommet des dieux (Kamigami no Itadaki). Dans ses pages, Tsuneo Hasegawa renaissait sous les traits de Hase Tsunéo, un grimpeur solitaire et énigmatique. Et son rival, l'ombre portée d'Ivano Ghirardini, se transformait en Habu Jôji, un personnage complexe, torturé, obsédé par la montagne et les défis impossibles, imprégné d'une aura de mystère et de sauvagerie.
​Jirô Taniguchi, maître incontesté du manga, a donné corps et âme à ce récit. Sous son crayon, la glace des Grandes Jorasses devenait palpable, le vent cinglait les visages, la détermination des hommes se lisait dans chaque ligne. Le manga a magnifié l'histoire d'Hasegawa, transformant son exploit en une quête philosophique, une méditation sur la nature de l'obsession, de l'ambition et de la véritable liberté.
​Ainsi, la silhouette solitaire de Tsuneo Hasegawa, suspendue entre ciel et abîme sur la face nord des Grandes Jorasses, est devenue plus qu'une image réelle. Elle est devenue un mythe, un écho puissant qui continue de résonner, nous rappelant la grandeur de l'esprit humain face à l'immensité des sommets.
​J'espère que ce récit vous a transporté au cœur de l'aventure !


Commentaires

  1. L’illustration manga d’événements historiques ou de personnages réels présente un grand intérêt, à la fois culturel, pédagogique et artistique. Voici les principaux aspects :

    🎎 1. Rendre l’histoire vivante

    Le manga a cette capacité unique de transformer les faits historiques en émotions. Par la narration visuelle et les dialogues, il rend l’Histoire incarnée, proche, humaine.
    Exemples :

    Vagabond (Takehiko Inoue) fait revivre Miyamoto Musashi avec une intensité psychologique rare.

    Kingdom met en scène la Chine antique avec une dimension épique et stratégique.

    Zipang imagine comment des marins japonais modernes réagiraient transportés dans la Seconde Guerre mondiale.

    🧭 2. Transmettre la mémoire

    Les mangas historiques permettent de transmettre la mémoire collective aux jeunes générations.
    Par exemple :

    Hadashi no Gen (Gen d’Hiroshima) témoigne de la bombe atomique vue à hauteur d’enfant.

    Ad Astra explore la rivalité entre Hannibal et Scipion avec rigueur historique.
    Ainsi, le dessin devient vecteur de mémoire et d’empathie.

    🧠 3. Approfondir la réflexion

    Les auteurs peuvent revisiter l’histoire avec une lecture critique :

    questionner les héros,

    montrer la complexité morale des époques,

    confronter mythe et réalité.
    Le manga devient alors un outil philosophique et historique, non une simple reconstitution.

    🎨 4. Créer un pont entre cultures

    Les mangaka intègrent souvent des éléments universels (honneur, courage, destin) qui permettent au lecteur de relier les événements étrangers à sa propre culture. Cela favorise une compréhension interculturelle profonde.

    🌍 5. Valoriser les figures oubliées

    Les artistes peuvent redonner voix à des personnages historiques méconnus, en particulier des femmes, des inventeurs, des explorateurs, ou des figures marginalisées.
    Ainsi, le manga devient un espace de réhabilitation et de reconnaissance.

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  2. Tsuneo Hasegawa – Biographie complète
    I. Présentation générale

    Tsuneo Hasegawa (長谷川恒男), né le 2 février 1947 dans la préfecture d’Ishikawa (Japon), est considéré comme l’un des alpinistes les plus talentueux, audacieux et techniquement exigeants de sa génération. Il est mondialement connu pour être le premier homme à réussir, en solitaire et en hiver, les trois grandes faces nord des Alpes : Eiger, Cervin, Grandes Jorasses.

    Son style était à la fois pur, rapide, dépouillé, très proche des idéaux du solo intégral engagé, mêlé à un sens extrême de l’économie de gestes et de l’endurance mentale.

    Il est mort en Himalaya le 10 octobre 1991 sur le Kangchenjunga, emporté par une avalanche.

    II. Jeunesse et formation

    Tsuneo Hasegawa grandit dans un Japon d’après-guerre où l’alpinisme devient une voie de dépassement spirituel. Très tôt, il montre des dispositions pour l’endurance, la solitude et le risque calculé.

    Adolescent, il s’entraîne souvent seul, accumulant :

    ascensions hivernales dans les Alpes japonaises,

    longues marches de régénération physique,

    exercices de résistance au froid et à la faim.

    Son approche précoce est déjà façonnée par une recherche d’absolu, proche du zen, où la montagne devient une école d’épuration de l’ego.

    III. L’ascension vers l’élite alpine
    1. Premières grandes réalisations au Japon

    Dans les années 1960–1970, Hasegawa s’impose comme l’un des plus brillants alpinistes du pays, notamment sur :

    les faces nord du massif du Tsurugi,

    les grandes parois hivernales du massif du Kurobe,

    des voies mixtes longues et exposées.

    Son style est déjà reconnaissable :
    vitesse, solitude, engagement maximal, très peu de matériel.

    IV. Les grandes faces nord des Alpes (1980–1981)

    Ce cycle de trois ascensions est la pierre angulaire de sa légende.

    1. Eiger – Face nord – Solo hivernal

    Mars 1980
    Voie classique (Heckmair).
    Conditions très froides, instables, engagées.
    Durée : environ 3 jours.

    Il devient l’un des très rares alpinistes à réussir ce solo hivernal, et marque l’histoire par son approche minimaliste et déterminée.

    2. Cervin – Face nord – Solo hivernal

    Hiver 1980–1981
    Voie Schmid.
    Une démonstration de vitesse, de précision et d’endurance.
    Ascension en conditions extrêmes, avec une météo très changeante.

    3. Grandes Jorasses – Face nord – Solo hivernal

    Hiver 1981
    Voie Cassin ou itinéraire équivalent selon les sources japonaises.
    Cette ascension complète le triptyque.

    Hasegawa devient alors le premier alpiniste à réussir les trois grandes faces nord des Alpes en solo hivernal, un exploit d’une rare audace, toujours cité comme l’un des sommets du solo engagé.

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  3. V. Reconnaissance internationale

    À partir de 1981, Hasegawa est reconnu comme :

    un pionnier du solo hivernal engagé,

    l’égal des plus grands solitaires (Bonatti, Ghirardini, Kurtyka dans l’esthétique),

    un innovateur dans la philosophie alpine japonaise.

    Il donne des conférences, publie des récits, et inspire une génération entière d’alpinistes japonais qui cherchent à associer dépouillement, vitesse et pureté d’intention.

    VI. Himalaya et nouvelles ambitions (1982–1991)
    1. Approche himalayenne

    Hasegawa s’oriente ensuite vers les grandes faces himalayennes, avec une même quête :
    éliminer le superflu et approcher la montagne comme un absolu.

    Il participe à plusieurs expéditions sur :

    K2,

    Gasherbrum,

    Makalu,

    Kangchenjunga,
    souvent par des itinéraires extrêmement difficiles.

    2. Style et philosophie

    Son approche se distingue par :

    refus du siège,

    préférence pour les équipes réduites,

    volonté constante d’autonomie,

    valorisation de la solitude comme dimension spirituelle.

    Il représente une fusion entre :

    le style alpin le plus pur,

    l’exigence morale japonaise du dépassement personnel,

    une idée de la montagne comme miroir intérieur.

    VII. Mort sur l'Ultar Peak (1991)

    Le 10 octobre 1991, durant une tentative par un itinéraire difficile de l'Ultar Peak, Hasegawa est emporté par une avalanche.

    Son corps n’a pas été retrouvé.

    Sa mort marque profondément la communauté alpine, japonaise et internationale.

    VIII. Héritage et influence
    1. Un pionnier du solo extrême

    Hasegawa reste l’un des solitaires les plus accomplis de l’histoire, aux côtés de Messner, Bonatti, Ghirardini dans certaines approches mentale et technique.

    2. Impact sur le style japonais

    Il a inspiré :

    les générations d’alpinistes des années 1980–1990,

    l’esthétique du minimalisme et du dépouillement,

    la recherche d’une montagne intérieure autant qu’extérieure.

    3. Son triptyque alpin

    Les trois grandes faces nord en solo hivernal continuent d’être citées comme un chef-d’œuvre de détermination, de maîtrise technique et de lucidité mentale.

    4. L’héritage spirituel

    Hasegawa est souvent lu comme un alpiniste-philosophe, dont la phrase emblématique pourrait être résumée ainsi :
    « Le solo n’est pas un défi contre la montagne, mais une rencontre avec soi-même. »

    Conclusion

    Tsuneo Hasegawa fut un alpiniste d’exception, au style pur et engagé, passionné par l’idée de vérité personnelle face à la montagne. Ses solos hivernaux sur les grandes faces nord des Alpes ont marqué l’histoire, et sa disparition au Pakistan a scellé sa légende.

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  4. La mort de Tsuneo Hasegawa à l’Ultar Peak – Chronique d’une disparition en haute altitude

    La disparition de Tsuneo Hasegawa le 10 octobre 1991 au pied de l’Ultar Peak (également appelé Ultar Sar, dans la vallée de Hunza, Karakoram) demeure l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire de l’alpinisme japonais. Sa mort, survenue au cours d’une tentative audacieuse sur un sommet encore largement méconnu et extrêmement dangereux, a figé sa légende dans un mélange d’admiration, de respect et de silence.

    I. L’Ultar Peak : un terrain de haute intensité

    À la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’Ultar Sar est l’un des grands défis du Karakoram.
    Situé au-dessus de la vallée de Hunza, c’est une montagne rare :

    parois démesurément verticales,

    glaciers instables,

    avalanches imprévisibles,

    itinéraires encore peu explorés,

    altitude intermédiaire (≈ 7400 m) mais technicité extrême, surpassant parfois des sommets plus élevés.

    Hasegawa s’y engage avec son partenaire Kiyotaka Hoshino, dans une logique fidèle à son éthique : petite équipe, autonomie, engagement total.

    II. L’expédition 1991 : une démarche de pureté technique

    Hasegawa, déjà auréolé de ses grandes ascensions en solo hivernal en Europe et de nombreuses réalisations en Asie, ne cherche ni la notoriété ni le record.
    Son objectif à l’Ultar est typiquement « hasegawien » :
    franchir une montagne neuve, difficile, encore hostile, avec un style épuré.

    L’expédition de 1991 se veut :

    légère,

    technique,

    entièrement autosuffisante,

    conductrice d’une vérité personnelle plutôt que d’un exploit médiatique.

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  5. La voie qu’ils choisissent sur la face sud/se s’avère l’une des plus délicates du massif, un couloir de glace et de neige raide, dominé par des séracs imprévisibles.

    III. Les derniers jours

    Les conditions se dégradent progressivement :

    vents irréguliers,

    chutes de neige répétées,

    instabilité croissante des plaques et des séracs.

    Hasegawa et Hoshino montent malgré tout, profitant des rares fenêtres météo pour progresser rapidement. Ils atteignent un camp avancé, exposé mais stratégique, avec l’intention d’entamer la phase décisive de leur tentative.

    Les témoignages locaux rapportent qu’ils étaient concentrés, sereins, habitués à ce type de tension.

    IV. L’avalanche du 10 octobre 1991

    Le matin du 10 octobre, une énorme rupture de sérac se produit dans un couloir dominant la zone où les deux alpinistes se trouvent.

    L’avalanche est décrite comme :

    brutale,

    massive,

    sans préavis,

    projetant des tonnes de glace et de neige sur une large portion de la paroi.

    Hasegawa et Hoshino sont emportés instantanément.
    Aucune chance de survie n’est possible dans un tel déferlement.

    Leur camp est pulvérisé.
    Le matériel retrouvé plusieurs jours plus tard est fragmenté, dispersé, enterré profondément.

    Les équipes locales et les habitants de Hunza, très attachés aux alpinistes japonais, organisent immédiatement une tentative de récupération et de reconnaissance. De nombreux guides de la région connaissaient bien les expéditions nippones et respectaient profondément Hasegawa.

    V. L’hommage de la vallée de Hunza

    Faute de pouvoir rapatrier les corps, les habitants de la vallée et les membres de l’expédition organisent une cérémonie sur place, au pied de la montagne.
    Hasegawa est inhumé dans la région de l’Ultar, selon une pratique courante pour les alpinistes tombés dans le Karakoram lorsque tout rapatriement est matériellement impossible.

    Cette sépulture, modeste et sincère, devient un lieu de recueillement pour plusieurs générations d’alpinistes japonais.

    La population locale garde un profond respect pour Hasegawa, qu’elle considérait comme un homme humble, courtois, concentré, et doté d’une force intérieure peu commune.

    VI. Une mort qui éclaire une vie

    La disparition de Tsuneo Hasegawa à l’Ultar possède une certaine cohérence tragique avec sa trajectoire.
    Il avait consacré sa vie entière à la montagne, non comme un terrain de conquête, mais comme un espace de confrontation intime avec soi-même.

    Sa fin rappelle les trois principes qui guidaient toute sa démarche :

    Engagement total

    Pureté technique

    Relation personnelle avec la montagne, presque spirituelle

    Il n’a jamais recherché la gloire, encore moins la compétition. Il a suivi, jusqu’au bout, son propre axe intérieur.

    VII. Héritage

    La mort d’Hasegawa fait entrer son nom dans la mémoire durable de l’alpinisme japonais.
    Son approche influence plusieurs générations de grimpeurs qui voient en lui un modèle d’intégrité, de minimalisme tactique et de courage lucide.

    Il laisse derrière lui :

    des récits puissants,

    une pensée alpine profonde,

    un exemple d’exigence personnelle,

    et une aura indélébile parmi les alpinistes de haute difficulté.

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  6. Hasegawa – Ghirardini : une rivalité d’altitude

    Dans l’histoire de l’alpinisme hivernal, peu de confrontations ont eu une portée aussi symbolique que celle entre Tsuneo Hasegawa et Ivano Ghirardini.
    Tous deux solitaires, tous deux engagés dans la quête absolue de la performance en haute montagne, et tous deux obsédés par les trois grandes faces nord des Alpes.
    Leurs trajectoires, parallèles mais distinctes, ont façonné une rivalité unique : une rivalité d’exigence, de style, de vision, davantage que de compétition directe.

    I. Origine de la rivalité : la trilogie hivernale en solitaire

    La pierre angulaire de la rivalité est claire :
    la trilogie hivernale solitaire des grandes faces nord (Eiger, Cervin, Grandes Jorasses).

    Ivano Ghirardini

    Dans les années 1977–1978, Ghirardini réalise l’une des plus grandes séries de performances de l’histoire de l’alpinisme :

    Cervin, face nord, solo hivernal, 1977

    Grandes Jorasses, face nord, solo hivernal, début 1978

    Eiger, face nord, solo hivernal, mars 1978

    Cette trilogie, réalisée en un seul hiver, en solitaire, sans assistance, et dans des conditions extrêmement sévères, devient un jalon absolu.

    Tsuneo Hasegawa

    Hasegawa, alpiniste japonais déjà très réputé dans son pays, s’engage dans les années suivantes dans une quête similaire.
    Entre 1980 et 1981, il effectue également :

    Eiger, face nord, solo hivernal

    Cervin, face nord, solo hivernal

    Grandes Jorasses, face nord, solo hivernal

    Il devient ainsi le deuxième homme à réussir la trilogie en solo hivernal, et le premier Japonais.

    Cette proximité des exploits crée immédiatement un parallèle, et donc une rivalité.

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  7. II. Une rivalité de style, plus que de date

    Contrairement à la logique sportive classique, la rivalité entre Hasegawa et Ghirardini n’est pas basée sur une confrontation directe, mais sur :

    1. Le style

    Ghirardini pratique un solo pur, très rapide, presque nerveux, ancré dans une culture européenne de l’efficacité.

    Hasegawa adopte un style épuré, minimaliste, méditatif, digne des grandes traditions alpines japonaises.

    2. La philosophie

    Ghirardini voit la montagne comme une arène du dépassement, un lieu où le geste technique doit être parfait.

    Hasegawa la voit comme une ascèse, une recherche intérieure, presque spirituelle.

    3. L’interprétation de la trilogie

    Pour Ghirardini, l’essentiel était la performance continue dans un même hiver.
    Pour Hasegawa, l’essentiel était la pureté de la solitude et la fidélité à son axe intérieur.

    Chacun, dans sa logique, atteint son sommet absolu.

    III. Tension, respect et reconnaissance mutuelle

    Il n’y eut jamais de rivalité hostile entre les deux hommes.
    Les archives et témoignages montrent plutôt :

    un respect mutuel,

    une considération technique,

    et une compréhension instinctive du prix payé pour ces ascensions.

    Ils partageaient :

    la même capacité à affronter le froid extrême,

    la même maîtrise du terrain mixte,

    la même volonté de s’en remettre à eux-mêmes, seuls, face à la paroi.

    Les milieux alpins européens et japonais, eux, ont souvent exacerbé la comparaison, créant l’image d’une confrontation symbolique entre :

    l’école européenne du solo,

    et l’école japonaise du dépouillement extrême.

    IV. Une rivalité qui devient héritage

    Le fait que Hasegawa ait répété la trilogie après Ghirardini l’inscrit dans la même lignée d’excellence.

    Mais les deux hommes diffèrent profondément dans leurs trajectoires ultérieures.

    Ghirardini

    Après la trilogie, il continue une carrière marquée par :

    de nouvelles ascensions engagées,

    un regard critique sur l’évolution de l’alpinisme,

    une contribution durable à l’éthique du solo.

    Hasegawa

    Après la trilogie, il s’oriente vers les montagnes d’Asie :

    Karakoram,

    Himalaya,

    nouvelles voies difficiles,

    engagement total jusqu’à la mort à l’Ultar Peak en 1991.

    Il pousse son style jusqu’à sa limite ultime, fidèle à sa pensée :
    la montagne comme lieu d’absolu.

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  8. V. Pourquoi cette rivalité marque encore l’histoire

    Parce qu’elle ne repose pas sur un affrontement direct, mais sur deux conceptions du dépassement humain.

    Parce qu’elle met face à face deux hommes qui ont :

    affronté les mêmes parois,

    dans le même style (solo, hiver),

    mais avec des visions du monde différentes.

    Parce qu’elle a créé une dualité emblématique :

    Ghirardini, le précurseur européen, flamboyant dans son hiver 77–78 ;

    Hasegawa, le solitaire japonais, mystérieux, ascétique, concluant la trilogie avec une dimension presque spirituelle.

    Et parce que tous deux ont atteint une forme de vérité personnelle dans la montagne, chacun à sa manière.

    Conclusion

    La rivalité entre Tsuneo Hasegawa et Ivano Ghirardini n’est pas une rivalité de confrontation, mais une rivalité de hauteur, d’idéal, et d’exigence.

    Deux hommes, deux continents, deux sensibilités, mais une même obsession :
    la pureté absolue du solo hivernal sur les parois les plus effrayantes des Alpes.

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