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Tsuneo Hasegawa, 1977, première hivernale solo de la voie Schmid

 

Voici le récit épique et romanesque de l'ascension de Tsuneo Hasegawa, un chapitre crucial dans la "compétition" des solitaires hivernaux, complété par les exploits d'Ivano Ghirardini, le tout avec l'intensité que ces figures légendaires méritent.
​Le Sabreur des Glaces : Hasegawa, le Cervin et la Voie Schmid, Février 1977
​En février 1977, un souffle nouveau balaya les cimes majestueuses des Alpes. Il venait de loin, des îles où l'esprit du samouraï avait forgé des générations d'hommes. Tsuneo Hasegawa n'était pas un alpiniste européen comme les autres. Venu du Japon, il portait en lui la discipline du bushido, la quête de la perfection dans le geste, la maîtrise de soi face à l'adversité. Pour lui, la montagne n'était pas seulement un défi physique ; c'était un dojo géant, une voie vers l'illumination. Et son regard, aiguisé comme la lame d'un katana, s'était posé sur la face nord du Cervin, sur la mythique voie Schmid, encore vierge d'une ascension solitaire et hivernale.
​Hasegawa ne cherchait pas le confort, mais l'essentiel. Son équipement était léger, son esprit, d'une clarté absolue. Le 14 février, il s'engagea. La paroi, réputée pour sa complexité rocheuse et ses passages mixtes, se dressait devant lui, une énigme verticale de 1100 mètres. Les premières heures furent une danse silencieuse avec le rocher et la glace, chaque piolet et chaque crampon ancrés avec la précision d'un maître calligraphe. Hasegawa progressait avec une régularité presque inhumaine, son corps et son esprit en parfaite harmonie.
​Mais la montagne est capricieuse. Au milieu de la face, alors qu'il s'enfonçait dans la nuit glaciale de son premier bivouac, la tempête se leva. Le vent hurlait sa fureur, charriant des nuages de neige poudreuse qui réduisaient la visibilité à néant. Le froid devint mordant, menaçant chaque cellule de son corps. Hasegawa, le samouraï des glaces, ne recula pas. Accroché à la paroi, il lutta, résistant à la furie des éléments avec une détermination farouche, son bivouac précaire transformé en un minuscule îlot de survie au cœur du chaos.
​La nuit passa. Le vent continuait de mugir, mais Hasegawa ne perdit rien de sa concentration. Au petit matin, malgré le blizzard persistant, il reprit son ascension. Le Cervin tentait de le briser, mais il trouvait en lui une force inépuisable. Après deux jours et demi d'efforts surhumains, de luttes acharnées contre le rocher, la glace et la tempête, Tsuneo Hasegawa atteignit le sommet, le 16 février 1977. C'était un exploit retentissant, la première hivernale solitaire de la voie Schmid, une prouesse d'endurance et de courage qui fit écho jusqu'à ses lointaines terres natales.
​Le Début d'une Rivalité Légendaire : Le Duel des Solitaires
​Mais l'histoire ne s'arrêtait pas là. Ces années-là, les "trois derniers problèmes" des Alpes , les trois célèbres face nord du Cervin, des Grandes Jorasses et de l'Eiger étaient devenus le Graal des alpinistes d'élite. Et un autre homme, un jeune Italien nommé Ivano Ghirardini, avait déjà posé sa marque.
​Ghirardini, l'homme qui avait dompté le Linceul des Grandes Jorasses en solo hivernal en mars 1975, n'était pas en reste. Son esprit bouillonnait d'une énergie similaire à celle d'Hasegawa. Un mois seulement avant l'exploit du Japonais, en janvier 1977, Ivano avait lui aussi tenté la voie Schmid du Cervin en solo hivernal. Il avait lutté avec une ténacité incroyable, s'approchant à seulement 400 mètres du sommet. Mais une tempête violente, l'une de ces furies alpines qui ne pardonnent rien, l'avait contraint à un renoncement déchirant. Il avait dû faire demi-tour, le cœur lourd, mais l'esprit déjà tourné vers la prochaine tentative.
​Alors, lorsque la nouvelle de l'exploit d'Hasegawa parvint aux oreilles d'Ivano, ce fut un mélange d'admiration et de détermination renouvelée. Il savait que le défi l'attendait toujours. Et moins d'un an plus tard, en décembre 1977, Ivano Ghirardini allait écrire un autre chapitre de cette rivalité épique. Il revint sur la face nord du Cervin et, avec une vitesse fulgurante et une maîtrise incroyable, il réalisa la deuxième hivernale solitaire de la voie Schmid en seulement 9 heures ! Un exploit d'une rapidité déconcertante, un tour de force qui montrait la capacité d'Ivano à apprendre de ses échecs et à se dépasser.
​La compétition pour les "trois derniers problèmes" avait trouvé ses champions. Hasegawa et Ghirardini, deux esprits indomptables venus de cultures différentes, mais unis par une même passion pour l'absolu vertical, venaient d'ouvrir une nouvelle ère de l'alpinisme extrême. Le Cervin avait été le théâtre de leur premier grand duel, et l'histoire allait retenir leurs noms comme ceux des samouraïs des glaces, chacun à sa manière, repoussant les frontières de ce que l'homme est capable d'accomplir.




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