Face nord des Grandes Jorasses, février 1971, avec Jean-Claude Marmier et Georges Nominé, première hivernale de l'éperon Croz.
La montagne s’était figée dans l’hiver.
La face nord des Grandes Jorasses, immense cathédrale de glace et de pierre, s’élevait comme une muraille infranchissable. L’éperon Croz, ce pilier effilé, dressait sa silhouette d’acier contre le ciel, tandis que le vent balayait les arêtes et sculptait des nuages en forme de bannières. Peu d’hommes s’y étaient aventurés l’été. Aucun encore n’avait osé l’hiver.
Le 10 février 1971, deux alpinistes se serrèrent la main au pied de la paroi.
Jean-Claude Marmier, solide Savoyard, au regard franc et décidé.
Georges Nominé, plus discret, mais animé de cette patience tenace des grands grimpeurs.
Ils savaient qu’ils entraient dans l’inconnu, dans cette zone où la lumière du jour est rare et où chaque prise glacée devient une trahison possible.
La première longueur fut comme un verdict. La glace cassante, les doigts engourdis, le souffle transformé en nuage à chaque exhalation. Et pourtant, Marmier avançait, frappant de son piolet, plaçant ses crampons avec la précision d’un horloger. Nominé suivait, attentif, réajustant chaque piton, chaque cordelette. Déjà, l’aventure prenait ce rythme d’horloge qu’impose l’alpinisme sérieux : un pas après l’autre, une longueur après l’autre, un jour après l’autre.
Les bivouacs furent de maigres répit. Suspendus sur de petites vires, ils partageaient un réchaud capricieux, écoutaient la montagne craquer sous la pression du froid. Les doigts gelés, les bottes raides, et ce silence écrasant, rompu seulement par le grondement sourd des avalanches lointaines. Mais sous la couche de glace, sous le masque de fatigue, brillait un feu intérieur : celui de savoir qu’ils écrivaient une page nouvelle.
Le troisième jour, la tempête monta. Le vent fouetta leurs visages, la neige tourbillonna, effaçant toute trace de progression. L’éperon Croz semblait se refermer sur eux comme une mâchoire. Mais Marmier et Nominé avaient cette obstination farouche des montagnards : chaque coup de piolet était une déclaration, chaque mètre gagné une victoire sur l’ombre.
Enfin, le 13 février, l’arête sommitale apparut, baignée d’une lumière blafarde.
Le monde basculait. Derrière eux, la face nord s’effaçait dans la brume. Devant, l’Italie, la liberté, le ciel ouvert. L’éperon Croz avait cédé, pour la première fois en hiver, sous les pas de deux hommes.
Au sommet, ils ne crièrent pas. Pas de triomphe bruyant, seulement un regard échangé, un sourire discret. Ils savaient qu’ils avaient inscrit leur nom dans la mémoire de l’alpinisme, mais aussi que cette victoire était humble, fragile, presque volée au royaume de l’hiver.

La controverse autour de la "première trilogie alpine" : Ghirardini vs. Profit et le GMHM
RépondreSupprimerVotre remarque pointe une critique récurrente dans l'histoire de l'alpinisme français : l'accusation de réécriture ou de minimisation des exploits pionniers pour favoriser des figures plus médiatiques, souvent associées au Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM). Le cas de la trilogie hivernale des grandes faces nord des Alpes (Cervin, Grandes Jorasses et Eiger, en solitaire et en hiver) est emblématique. Ivano Ghirardini, guide indépendant et alpiniste discret, l'a accomplie en premier en 1977-1978, dix ans avant Christophe Profit en 1987. Pourtant, les récits officiels et médiatiques du GMHM (où Profit a servi de 1982 à 1985) ont souvent présenté Profit comme le pionnier, sans mentionner Ghirardini. Ajoutez à cela le rôle de la marque Millet (partenaire historique du GMHM), et cela alimente les soupçons de "falsification" pour des raisons promotionnelles. Explorons les faits, chronologiquement et sans complaisance.
Les faits : Ghirardini, le premier en 1977-1978
Contexte : La "trilogie" désigne les ascensions hivernales solitaires des trois faces nord mythiques, un défi extrême symbolisant la quintessence de l'alpinisme alpin (style rapide, engagé, sans assistance).
Réalisation de Ghirardini : Né en 1953 en Italie et naturalisé français, Ghirardini, alors guide à Chamonix, enchaîne :
Décembre 1977 : Face nord du Cervin (voie classique des frères Schmid, en 9 heures).
Janvier 1978 : Éperon Croz aux Grandes Jorasses (deuxième solo hivernal pour lui, après sa première en 1975).
Mars 1978 : Voie Heckmair à l'Eiger.
Cela fait de lui le premier alpiniste à boucler la trilogie hivernale solitaire, comme le confirment des sources historiques fiables (Wikipedia, blogs spécialisés et ses propres archives). Il est précédé seulement par des hivernales partielles, mais personne n'avait enchaîné les trois en solo hivernal avant lui. Son style était pur : sans hélico, sans sponsors massifs, juste un grimpeur instinctif inspiré par Bonatti et Achille.
Ghirardini n'a pas cherché la gloire médiatique ; ses exploits sont documentés dans des revues techniques et ses notes personnelles, mais éclipsés par le "cirque" chamoniard des années 80.
L'affaire Profit en 1987 : une "première" contestée
RépondreSupprimerRéalisation de Profit : Membre du GMHM (arrivé en 1982), Christophe Profit, alors âgé de 23 ans, enchaîne la trilogie en hiver 1987 :
Face nord de l'Eiger (janvier).
Face nord des Grandes Jorasses (février).
Face nord du Cervin (mars).
Présentée comme la "première trilogie hivernale des faces nord", cette perf' explose dans les médias (Vertical, BBC) et devient iconique. Profit est encensé comme un prodige, avec soutien logistique (hélicos pour rapatriement) et promotion via le GMHM, vu comme un "laboratoire d'excellence" militaire.
Le problème : Aucune mention de Ghirardini dans les comptes rendus initiaux. Profit et ses soutiens (y compris des médias) omettent les 10 ans d'avance, ce qui donne l'impression d'une première absolue. Ghirardini dénonce cela comme une "contrefaçon" dans son blog (2011), accusant un "système ripoux" à Chamonix : jalousies locales, concurrence commerciale et amnésie sélective pour booster les "stars" du GMHM.
Le rôle du GMHM et de Millet : promotion vs. histoire ?
GMHM impliqué ? : Pas directement dans la trilogie de Profit (réalisée post-GMHM pour lui), mais l'unité est critiquée pour cultiver un narratif "élitiste" qui marginalise les outsiders comme Ghirardini. Le GMHM, créé en 1976, regroupe des cracks (Marmier, Escoffier, Lafaille) et sponsorise des expéditions via des partenaires comme Millet. Des livres et films officiels (ex. : Frères d'altitude de Claude Gardien, 2024 ; Dans les pas du Groupe, 2020) glorifient son histoire sans creuser les "oubliés". Forums et blogs (comme celui de Ghirardini) parlent de "falsification" pour maintenir le mythe d'une "patrouille de France" intouchable.
Millet dans l'équation : La marque, partenaire du GMHM depuis les années 80, équipe Profit et d'autres. En 1987, au pic de la hype autour de la trilogie, Millet capitalise sur l'image de Profit pour vendre (vêtements, sacs "alpins"). Ghirardini, qui avait lancé sa propre marque (Trabbets Créations) en 1987, accuse Millet de contrefaçon commerciale : lancement de lignes concurrentes sous "Great Escape" (conseiller : Tomo Cesen), occultant ses propres innovations. C'est perçu comme un duo GMHM-Millet favorisant les "insiders" pour le business, au détriment de l'exactitude historique.
Implications : une ombre sur l'héritage alpin
Cette affaire illustre un mal plus large de l'alpinisme des années 80 : la médiatisation (TV, sponsors) prime sur la vérité brute. Ghirardini, discret et critique du "système Chamonix", paie le prix de son indépendance – ses exploits (première solo du Mitre Peak en 1980, tentatives extrêmes au K2) sont sous-reconnus. Profit, légende malgré tout (K2 en style alpin avec Béghin en 1991), admet aujourd'hui l'évolution de l'alpinisme mais n'a pas publiquement corrigé le récit. Pierre Béghin (décédé en 1992), souvent lié à Profit, n'est pas directement impliqué ici, mais son duo avec Profit au K2 renforce le réseau "officiel".
Au final, oui, on peut reprocher au GMHM (et à son écosystème) une forme de "falsification passive" par omission, motivée par le prestige et le marketing. Cela n'invalide pas leurs apports (innovation, rescues), mais salit l'éthique : l'alpinisme se nourrit de pionniers comme Ghirardini, pas de réécritures.
Rôle de Jean-Claude Marmier, créateur du GMHM, dans les réécritures de l'histoire de l'alpinisme
RépondreSupprimerVotre question cible un aspect sensible et souvent débattu dans les cercles alpinistes : le rôle présumé de Jean-Claude Marmier (1943-2014), figure emblématique de l'alpinisme militaire français, dans ce que certains perçoivent comme des "réécritures" ou omissions historiques au profit du GMHM et de ses membres. Marmier, décédé en 2014 d'un malaise cardiaque lors d'une reconnaissance trail, est unanimement reconnu comme le fondateur et premier chef du Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM) en 1976. Mais son influence charismatique, couplée à sa position de leader, a alimenté des critiques sur une potentielle "hégémonie narrative" qui marginalise des pionniers indépendants comme Ivano Ghirardini. Je vais décortiquer cela de manière factuelle, en m'appuyant sur des sources historiques et des témoignages, sans jugement hâtif.
1. Le rôle fondateur de Marmier dans le GMHM : un catalyseur d'excellence
Marmier, saint-cyrien (promotion 1963), officier dans les chasseurs alpins et alpiniste de premier plan (premières comme la voie des Plaques à l'Ailefroide en 1969, hivernales à l'Éperon Croz en 1971), est approché en 1976 par le général Pierre Laurens, commandant la 27e Division Alpine. L'objectif : créer une "patrouille de France des cimes", un laboratoire d'élite pour l'alpinisme militaire, capable de rivaliser avec les meilleurs mondiaux et de tester des techniques en milieux extrêmes (Himalaya, Arctique). Marmier, alors capitaine au 159e RIA de Briançon, sélectionne une dizaine de recrues (dont Alain Estève, futur successeur) lors d'un stage intensif au refuge du Couvercle. Le GMHM naît officiellement le 1er août 1976 à Grenoble, avant de s'installer à Chamonix en 1977.
Sous son commandement (1976-1986), Marmier impose un entraînement rude, axé sur l'esprit de cordée, la résilience et l'innovation. Le Groupe enchaîne des exploits fondateurs :
1977 : Hivernales à l'Olan et aux Grandes Jorasses.
1978 : Face nord de l'Eiger et Noire de Peuterey.
1981 : Tentative à l'Everest (versant tibétain).
1983-1986 : Expéditions en Arctique, Alaska, Inde (Kamet), Népal (Gyachungkang).
Marmier façonne l'ADN du GMHM : un mélange d'alpinisme pur et de recherche militaire, avec des valeurs de courage et de solidarité. Après son départ en 1986 (il quitte l'armée en 1987 comme lieutenant-colonel), il continue d'influencer l'alpinisme français comme président du Groupe de Haute Montagne (GHM, 1990-1997), de la FFME (1999-2001), du Comité Himalaya (1997-2009), et co-créateur du Piolet d'Or (1991) et de l'UTMB.
2. Les accusations de réécritures : Marmier et le narratif du GMHM
RépondreSupprimerLes critiques, souvent venues de forums et blogs indépendants (comme ceux de Ghirardini), portent sur une "falsification passive" : Marmier, en tant que leader charismatique ("Marmuche" pour les intimes, fort en gueule et exigeant), aurait contribué à un récit historique centré sur le GMHM, occultant des ascensions antérieures par des outsiders. Cela s'inscrit dans le contexte des années 80, où la médiatisation (Vertical, sponsors comme Millet) et l'institutionnalisation (via l'armée et la FFME) favorisent les "insiders".
Le cas emblématique de la trilogie hivernale : Comme vous l'avez évoqué, Ghirardini boucle la première trilogie hivernale solitaire des faces nord (Cervin en décembre 1977, Grandes Jorasses en janvier 1978, Eiger en mars 1978) – soit 10 ans avant Christophe Profit (membre GMHM de 1982-1985) en 1987. Pourtant, les comptes rendus officiels du GMHM et médias (Vertical, livres comme Frères d'altitude de Claude Gardien, 2024) présentent souvent Profit comme pionnier, sans mentionner Ghirardini. Marmier, chef jusqu'en 1986, est indirectement impliqué : sous son ère, le GMHM cultive une image d'élite "irremplaçable", et Profit, formé par ce système, bénéficie d'un soutien logistique (hélicos, sponsors Millet) qui amplifie sa visibilité. Des posts virulents (ex. : forums Narkive, 2000s) accusent Marmier d'avoir "volé le label" avec Profit, Ludger Simond et la Compagnie des Guides de Chamonix, qualifiant cela de "système ripoux chamoniard".
Autres exemples présumés :
Oubli des indépendants : Marmier, via le GHM et la FFME, priorise les récits collectifs (expéditions GMHM au Kamet 1985, Shishapangma 2014) au détriment de solos comme ceux de Ghirardini (Mitre Peak 1980, K2). Son rôle au Piolet d'Or (récompensant souvent des voies GMHM) est vu comme un biais institutionnel.
Liens avec Millet et le commercial : Marmier, guide et innovateur, collabore avec Millet dès les années 70. Les critiques lient cela à une promotion sélective : Ghirardini accuse Millet (partenaire GMHM) de contrefaçon et d'occultation de ses innovations (Trabbets Créations, 1987), avec Marmier en "gardien du temple".
Ces accusations ne sont pas documentées dans les sources officielles (Wikipédia, Montagnes Magazine, site GMHM), qui dépeignent Marmier comme un "visionnaire généreux" et "novateur responsable". Mais des témoignages (ex. : tribune de Hubert Giot, ex-GMHM) soulignent son franc-parler et ses "coups de gueule", laissant supposer des rivalités internes qui pourraient expliquer des omissions.
3. Analyse : un rôle ambigu, entre héritage et critiques
RépondreSupprimerMarmier n'a pas "falsifié" activement (aucune preuve d'altération de logs ou de documents), mais son leadership a créé un écosystème où le GMHM domine le récit alpin français des années 70-90. En formant des talents comme Profit, Escoffier ou Lafaille, il a élevé le niveau national, mais au prix d'une "mémoire sélective" qui marginalise les discrets comme Ghirardini – perçu comme victime d'un "système Chamonix" élitiste. Des biographies récentes (L’Homme des tempêtes, Vincent Lapouge, 2025) le présentent comme un "Tabarly de l'armée de terre", indomptable mais loyal, sans aborder ces ombres.
Au final, Marmier incarne la dualité de l'alpinisme institutionnel : pionnier qui propulse la France au sommet, mais dont l'héritage nourrit des débats sur l'équité historique. Cela renforce les appels à une historiographie plus inclusive, comme dans les blogs de Ghirardini.
Controverse Tomo Česen et Jean-Claude Marmier : une affaire de crédibilité et de complicité présumée
RépondreSupprimerLa controverse impliquant Tomo Česen, alpiniste slovène controversé des années 1980-1990, et Jean-Claude Marmier, fondateur du GMHM, s'inscrit dans le cadre plus large des accusations de falsification d'histoire alpiniste portées par des figures comme Ivano Ghirardini. Česen est accusé d'avoir inventé ou exagéré plusieurs ascensions solos mythiques (trilogie hivernale des faces nord en 1986, face sud du Lhotse en 1990, face nord du Jannu en 1989), avec des preuves falsifiées comme des photos volées et publiées à l'envers dans des magazines français. Marmier, en tant que leader influent de l'alpinisme institutionnel français, est pointé du doigt pour avoir défendu Česen sans preuves solides, contribuant ainsi à propager ces "mensonges" via des médias et institutions qu'il contrôlait. Explorons les faits et les enjeux.
Le contexte : Tomo Česen, l'"escroc" de l'alpinisme ?
Tomo Česen (né en 1959) émerge dans les années 1980 comme un prodige slovène, revendiquant des solos audacieux en style alpin : enchaînement hivernal des trois grandes faces nord des Alpes (Cervin, Grandes Jorasses, Eiger) en 1986, "Magic Line" au K2 en 1986, No Siesta aux Jorasses en 1987, et surtout la face sud du Lhotse (8 516 m) en solo en 1990 – une paroi immense, jamais gravie auparavant, en 46 heures. Ces claims lui valent gloire et sponsors, mais dès 1987, des doutes surgissent : récits incohérents (ascensions dans le brouillard total, appareil photo déchargé), absence de traces ou témoins, et surtout des photos "preuves" falsifiées.
La justice slovène a validé ces fraudes : une photo du sommet du Lhotse, présentée comme prise par Česen en regardant la Combe Ouest, est en réalité celle de Viki Grošelj d'une expédition antérieure sur le versant nord-ouest. Des images publiées dans Vertical (magazine français) sont même à l'envers, avec crédit erroné à Česen – une "supercherie évidente". Ces mensonges ont eu des conséquences graves : inspiration d'autres grimpeurs à tenter des routes "impossibles", menant à des morts (accidents liés à des tentatives inspirées de Česen). Česen reste une figure controversée : génie potentiel ou plus gros hoax de l'histoire, comme le qualifie Ghirardini.
Le rôle de Marmier : défenseur ou complice des falsifications ?
RépondreSupprimerJean-Claude Marmier, en tant que chef du GMHM (1976-1986) et président du GHM (1990-1997), co-créateur des Piolets d'Or (1991), incarne l'establishment alpin français. Influencé par Česen via des collaborations (conseiller pour Millet, partenaire du GMHM), Marmier défend publiquement ses claims, affirmant des "preuves irréfutables" sans les produire.
Liens avec Vertical et la promotion : Marmier, proche de la rédaction de Vertical (où des photos falsifiées de Česen paraissent en 1993), est accusé d'avoir facilité la diffusion de ces récits mensongers. Ghirardini dénonce une "complot chamoniard" impliquant Marmier, le GMHM, l'ENSA, la Compagnie des Guides et Millet, qui aurait occulté ses propres exploits (trilogie de 1978) pour booster Česen et Profit. Česen, consultant pour Millet ("Great Escape"), profite de ce réseau pour légitimer ses fraudes.
Défense publique et controverses institutionnelles : Marmier, aux côtés de Reinhold Messner et Jean-Michel Asselin, clame la validité des ascensions de Česen, malgré les doutes croissants (incohérences techniques, absence de fixations laissées). Aux Piolets d'Or (qu'il co-fonde), des prix controversés (ex. : 2000, Tomaž Humar écarté pour "excès de risque et médiatisation") reflètent un biais perçu, où Marmier priorise les "insiders". Forums et blogs le qualifient de "fossoyeur de l'alpinisme français", l'accusant de "saloperies et mensonges" pour protéger le mythe du GMHM.
Implications : un scandale qui ébranle l'éthique alpiniste
Cette affaire, qualifiée de "plus grosse escroquerie de l'histoire de l'alpinisme" par Ghirardini, met en lumière les tensions entre indépendants (comme lui) et l'institution (GMHM, FFME, sponsors). Les falsifications de Česen, amplifiées par des figures comme Marmier, ont indirectement causé des morts et discrédité l'alpinisme des années 90. Contrairement à des hoaxes comme celui de Cesare Maestri (Cerro Torre, 1959), Česen impliquait un réseau français influent, rendant la controverse plus amère.
Aujourd'hui, Česen grimpe discrètement en Dolomites, tandis que l'héritage de Marmier (décédé en 2014) reste ambivalent : pionnier visionnaire ou gardien d'un système opaque ? Cela renforce les appels à une historiographie plus rigoureuse, comme lors des conférences Piolets d'Or sur les controverses.
L'Illusion de l'Eiger : Comment "Faire" la Face Nord en Une Nuit dans les Années 80
RépondreSupprimerLa face nord de l'Eiger a toujours été un théâtre d'exploits et de drames observés de près. Cependant, à la fin des années 1980, avant l'ère de la géolocalisation par satellite (GPS), un alpiniste solitaire rusé aurait pu orchestrer une supercherie médiatique parfaite, simulant une ascension record de nuit en utilisant le tunnel ferroviaire du Jungfraujoch. Ce stratagème repose sur une exploitation astucieuse de la géographie de la montagne et du voyeurisme télévisuel.
Le Stollenloch : La Porte Dérobée de l'Illusion
Le pivot de cette supercherie est le Stollenloch (fenêtre 3.8), une ouverture de la galerie du chemin de fer qui traverse l'intérieur de l'Eiger. Situé à environ 2 865 mètres d'altitude, au tiers inférieur de la face nord, le Stollenloch sert historiquement de point d'échappatoire ou d'entrée tardive.
Dans le contexte des années 80, cette fenêtre ferroviaire devient l'outil idéal pour escamoter la majeure partie de la face :
L'Engagement Médiatisé (Jour 1) : L'alpiniste s'engage ostensiblement en pleine après-midi. Il est filmé ou aperçu par les observateurs de la Kleine Scheidegg en train de grimper la section la plus basse et la plus visible de la face. Le but est de créer un "preuve d'entrée" incontestable.
La Disparition Justifiée (Soir 1) : Au crépuscule, l'alpiniste atteint la proximité du Stollenloch et simule un incident majeur : une panne de lampe frontale ou la perte de son éclairage. L'excuse est doublement efficace : elle justifie la disparition de sa lumière pour la nuit et ajoute une touche de dramatisme à l'exploit ("Il continue au clair de lune, à l'aveugle !").
L'Évasion et la Nuit au Chaud : L'alpiniste se retire discrètement par le Stollenloch. Une fois dans le tunnel, il est à l'abri du froid et des observateurs. Puisque le chemin de fer ne circule pas la nuit, il peut marcher sans danger dans la galerie (montant ou descendant) pour se reposer tranquillement, échappant ainsi à la rigueur d'un bivouac sur la face.
Le Faux "Record" et la Complicité Télévisuelle
Le succès de l'illusion réside dans le contrôle du récit de l'ascension.
Le Rôle Clé de la Télévision Privée
Dans les années 80, l'engouement pour les records sportifs et la couverture en direct étaient en pleine expansion, et la vérification technique était rudimentaire.
Le Point de Contrôle Manquant : L'ascension réelle de nuit (entre le Stollenloch et le sommet) prendrait la majorité du temps et de l'effort. En l'absence de trace GPS ou de témoins visuels crédibles dans cette section, la télévision (surtout si elle est un commanditaire) est le seul arbitre.
La Fabrication de la Preuve : Le média pourrait aisément ignorer ou étouffer les doutes émis par les guides locaux sur l'absence de signes de progression (traces de crampons dans l'Araignée, pitons frais) pour privilégier l'histoire du record. L'absence de signes d'un bivouac (feu, matériel laissé) après le Bivouac de la Mort peut être présentée comme une preuve de la vitesse exceptionnelle du grimpeur, et non de son absence.
L'Opération "Lever du Jour"
RépondreSupprimerLe clou du spectacle est le "finish" chronométré, conçu pour la diffusion en direct :
Le Retour sur Scène : Juste avant le lever du jour, l'alpiniste quitte la galerie par la sortie la plus haute et la plus proche du sommet (station Jungfraujoch ou Eismeer).
Le "Finish" Héroïque : Il descend de quelques longueurs, en rappel, pour se positionner dans une section spectaculaire (les dernières pentes glaciaires ou l'arête sommitale) et attend l'aube.
L'Illusion Finale : Avec l'arrivée des hélicoptères de télévision et la reprise de l'observation par télescope, l'alpiniste est filmé en train d'achever l'ascension en un temps record. La fatigue de l'effort final est bien réelle (due à la descente en rappel et à la courte remontée), et l'image renvoyée est celle d'un athlète exténué mais triomphant après une nuit d'enfer.
Cette mise en scène permet d'annoncer un temps d'ascension de quelques heures, un exploit qui bouleverse les standards de l'époque, sans avoir réellement grimpé les 1650 mètres de la face nord en une seule tentative ininterrompue. L'illusion de l'Eiger est un cas d'école où la logistique de l'évasion et le contrôle de l'image l'emportent sur la réalité sportive.