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Jean Afanassieff, 1972, première en solo de l'éperon Croz


La face nord des Grandes Jorasses
La face nord des Grandes Jorasses est l’un des trois “grands problèmes des Alpes”, avec l’Eiger et le Cervin. C’est une paroi immense, sombre, haute de près de 1 200 mètres, constituée de glace, de couloirs étroits, d’éperons rocheux, de pentes raides et exposées. Toujours froide, souvent balayée par le vent, elle reste l’une des plus terribles et des plus respectées des Alpes.
Elle se compose de plusieurs sommets alignés sur l’arête sommitale : Pointe Walker, Pointe Croz, Pointe Whymper, etc. La voie de l’éperon Croz mène directement à la pointe Croz, à 4 110 mètres.
L’éperon Croz
L’éperon Croz est l’une des grandes voies classiques de la face nord. Il s’élève en plein centre de la paroi, formant une arête rocheuse et mixte qui fend verticalement la muraille.
L’itinéraire est long, soutenu, avec une succession de couloirs de glace, de passages mixtes raides, de ressauts rocheux, et de traversées exposées. La glace y est souvent dure, cassante, et le rocher n’est pas toujours fiable. L’ensemble est coté “très difficile supérieur” (TD+), demandant une maîtrise complète du terrain mixte.
C’est une voie d’engagement total : une fois lancé, il est presque impossible de faire demi-tour. Le grimpeur doit aller jusqu’au sommet ou accepter de longues descentes complexes.
La première solitaire de Jean Afanassieff (10-11 août 1972)
En août 1972, Jean Afanassieff, alors âgé de 19 ans seulement, ose ce que personne n’avait encore tenté : gravir l’éperon Croz en solitaire.
Il choisit son créneau de deux jours, les 10 et 11 août. Seul dans la face, il affronte les pentes de glace noires, les couloirs raides et les passages mixtes, sans partenaire pour partager la charge, ni corde pour assurer les longueurs difficiles.
Chaque geste devient crucial : planter le piolet, ancrer les crampons, trouver le bon passage dans la glace, franchir les ressauts rocheux. La solitude impose une tension extrême, car aucune erreur n’est permise. Le froid, la longueur de l’ascension, la fatigue, tout pèse plus lourd quand on n’a que soi-même pour tenir.
Après deux jours de lutte, il atteint la pointe Croz, réalisant la première ascension solitaire de cette voie mythique.
L’importance de l’exploit
Ce solo marque les esprits : un jeune alpiniste français s’impose sur l’une des faces les plus redoutées des Alpes. Afanassieff prouve déjà, à moins de 20 ans, une audace, une force mentale et une technique qui feront de lui l’un des grands grimpeurs de sa génération.
Plus tard, il deviendra aussi réalisateur et documentariste, mais cette ascension solitaire restera comme l’un de ses coups d’éclat les plus symboliques, un acte de pure liberté face à l’une des murailles les plus terribles d’Europe.


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