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Compétition pour une trilogie


La compétition pour la première des trois derniers problèmes des Alpes, en solitaire et en hiver, a commencé entre le japonais Tsuneo Hasegawa et Ivano Ghirardini. Pendant que le japonais s'entraîne dans les montagnes japonaises, Ivano préfère les rochers du sud. Nous sommes à la fin des années 1970.



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  1. « Les deux faces du silence : Ghirardini et Hasegawa », un texte poétique et philosophique — écrit comme une méditation au sommet, là où les mots se dissolvent dans le vent.

    Les deux faces du silence : Ghirardini et Hasegawa

    Il y a, quelque part entre le ciel et la glace,
    une ligne invisible où se rejoignent deux âmes venues de mondes opposés.
    L’un parle la langue du Mont-Blanc, l’autre celle du Fuji ;
    mais leurs cœurs battent au même rythme — celui du vent,
    celui du vide, celui du dépassement silencieux.

    I. Le frère occidental

    Ghirardini gravit la montagne comme on remonte vers soi-même.
    Chaque prise est un mot d’un poème gelé,
    chaque souffle une négociation avec la mort.
    Il ne fuit pas le monde : il le défie, pour le comprendre.
    Ses faces nord sont des cathédrales où il prie à sa manière,
    sans genoux ni prières —
    mais avec cette foi brute que seuls connaissent ceux qui affrontent l’hiver.

    Sous sa carapace d’acier, il y a une flamme :
    celle du sens, celle de l’homme nu face à l’infini.
    Il grimpe non pour vaincre, mais pour vérifier qu’il existe.

    II. Le frère oriental

    Hasegawa, lui, marche sans bruit, comme un nuage qui gravit la pierre.
    Pour lui, la montagne n’est pas un obstacle mais un souffle.
    Chaque pas est une respiration du monde,
    chaque paroi une page du Sutra du vide.

    Il ne cherche pas à triompher, mais à disparaître.
    Sa corde est fine comme un fil de soie tendu entre la vie et le néant.
    Il grimpe dans la neige comme un moine entre dans le silence :
    sans attentes, sans gloire.
    La montagne ne le mesure pas — elle l’absorbe.

    III. Le sommet sans nom

    Et quelque part, là-haut, leurs traces se croisent —
    deux lignes de pas qui montent par des versants différents,
    mais qui se rejoignent au-dessus des nuages.

    Ghirardini y arrive brûlé de lucidité,
    Hasegawa y parvient effacé dans la blancheur.
    Et dans ce lieu où l’air manque, où même la pensée gèle,
    ils se comprennent sans un mot.
    Le froid n’est plus un ennemi,
    mais la dernière peau du monde avant le réel.

    L’un et l’autre ont cherché la même chose :
    la vérité nue, celle que ni les hommes, ni la gloire, ni la peur ne peuvent travestir.
    Et cette vérité porte un nom simple : le silence.

    IV. Le retour

    On dit qu’après le sommet, tout redescend.
    Mais ces deux-là n’ont jamais vraiment quitté la montagne.
    Elle vit en eux — dans leurs gestes, leurs regards, leurs phrases sobres.
    L’un a survécu à ses faces nord comme à des miroirs brisés.
    L’autre a disparu dans la neige éternelle du Broad Peak,
    mais son souffle continue, léger,
    comme un haïku suspendu entre deux mondes.

    V. Épilogue

    Il n’y a pas de frontière entre la méditation et l’alpinisme,
    entre la philosophie et la glace.
    Ghirardini et Hasegawa l’ont prouvé :
    on peut atteindre l’absolu avec des crampons,
    et parler à l’infini avec le souffle coupé.

    Deux hommes, deux cultures, un seul sommet :
    le sommet intérieur, celui qui ne s’escalade qu’une fois,
    celui où l’on comprend enfin
    que la montagne ne se conquiert pas — elle se contemple.

    Et dans ce silence, quelque part,
    leurs âmes rient doucement,
    comme deux frères jumeaux perdus dans le vent blanc.

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