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Philosophies et mystiques cachées chez les alpinistes des trois derniers Problèmes des Alpes


La Trilogie Alpine : Le Cœur Mystique de l'Alpinisme
​Le Cervin, l'Eiger et les Grandes Jorasses. Pour le monde, ce sont des sommets légendaires ; pour l'alpiniste, elles sont les « Trois Derniers Problèmes des Alpes ». Ces trois faces nord ne sont pas de simples murs de pierre et de glace ; elles sont des miroirs, reflétant la pureté de l'ambition et les profondeurs insondées de l'âme humaine. Les conquérir, c'est se soumettre à un rite initiatique, une confrontation brutale avec l'essentiel.
​Le Défi Brutal : Dangers et Engagement Total
​Ces trois versants septentrionaux se dressent comme des cathédrales d'ombre, où le soleil ne s'aventure que timidement. Le défi est quintuple :
​La Verticalité et la Glace : Elles exigent une technique irréprochable, où chaque coup de piolet, chaque crampon doit être posé avec une précision chirurgicale sur un mélange instable de rocher friable et de glace bleue.
​L'Hauteur : Elles sont les plus hautes murailles des Alpes, demandant une endurance et une résistance physique et mentale hors normes sur plusieurs jours.
​L'Austérité : Le froid y est absolu, constant, une force qui ne pardonne pas. L'isolement est total, sans échappatoire.
​Les Projectiles : Elles lancent sans avertissement la foudre et les avalanches, des chutes de pierres et de glace. La chance est un facteur, mais l'anticipation est vitale.
​Gravir ces faces, c'est accepter l'engagement total. La vie et la survie ne tiennent qu'à la finesse du jugement, à la justesse du choix d'itinéraire et à la qualité du matériel. L'alpiniste ne peut compter sur personne d'autre que sur lui-même (ou sur son compagnon de cordée).
​La Philosophie du "By Fair Means" : La Pureté de l'Ascension
​L'attrait des Trois Problèmes réside avant tout dans la philosophie qu'ils honorent : l'alpinisme classique et la maxime du "By Fair Means" (par des moyens honnêtes).
​C'est un code non écrit qui transcende la performance : le but n'est pas d'atteindre le sommet à tout prix, mais de le faire en respectant un idéal de pureté. Cela signifie : minimiser l'assistance extérieure, limiter l'usage de matériel permanent, et affronter la montagne avec ses propres forces et son ingéniosité.
​C'est dans cette quête épurée que naît la mystique :
​Le Dialogue Intime : La solitude sur ces parois est un révélateur. Le grimpeur est réduit à son essentiel ; la peur devient une énergie canalisée qui aiguise les sens et l'instinct de survie. C'est un dialogue brutal et pur entre l'Homme et l'élément, où la vérité de soi est exposée au grand jour.
​L'Esprit Chevaleresque : Affronter ces murs, c'est participer à une lignée historique. Il y a un devoir d'honneur, une forme d'esprit chevaleresque à marcher dans les pas des pionniers. C'est l'humilité face à la légende et le respect de la montagne comme un adversaire digne et souverain.
​L'Héritage des Silences : Leçons de Vie
​Ces faces nord sont aussi des lieux de mémoire, des sépultures naturelles où de nombreux rêves se sont brisés. Leurs histoires, souvent tragiques, sont la plus grande source de leçons de vie :
​L'Humilité Suprême : La montagne, en reprenant des vies, enseigne que l'Homme, même le plus fort, est infiniment petit face aux forces de la nature. C'est un rappel constant de l'importance de la prudence et du respect.
​La Quête du Sens : Là où le danger est imminent, toute futilité s'efface. L'alpiniste se concentre sur l'instant présent, le prochain mouvement, le souffle. Ces ascensions nous apprennent à distinguer l'essentiel du superflu dans nos propres vies.
​La Résilience Inébranlable : Ceux qui ont réussi ces ascensions nous montrent la puissance de la volonté. La véritable conquête n'est jamais celle du sommet, mais la victoire quotidienne sur le doute, la fatigue, et la peur. C'est la démonstration que la résilience, l'engagement total et la force de l'esprit peuvent déplacer des montagnes, au sens propre comme au sens figuré.
​Les Trois Derniers Problèmes demeurent une invitation à chercher l'absolu, à se confronter à ses propres limites, et à trouver la noblesse dans l'effort. Leurs légendes sont la preuve que la grandeur n'est pas dans la célébrité, mais dans l'authenticité de la lutte.













Commentaires

  1. En grec ancien, le mot μυστικός (mystikos) — d’où vient « mystique » — renvoie à ce qui est caché, secret, réservé aux initiés. Il est lié au verbe μύω (myô), qui signifie « fermer les yeux ou la bouche », donc se taire, se recueillir, entrer dans le silence sacré.

    Dans la pensée grecque, le mystique n’est pas encore religieux au sens chrétien ; il évoque plutôt une expérience de transformation intérieure, liée aux Mystères (μυστήρια) — rites initiatiques d’Éleusis, d’Orphée ou de Dionysos.

    Voici les principaux philosophes grecs associés à la dimension mystique :

    Pythagore (6ᵉ s. av. J.-C.) : il fait du savoir une voie de purification de l’âme (katharsis). Ses enseignements mêlent mathématiques, musique et ascèse spirituelle ; la vie pythagoricienne était une véritable voie initiatique.

    Parménide (5ᵉ s. av. J.-C.) : son poème décrit une révélation reçue d’une déesse, un voyage de l’âme vers la vérité de l’Être. Sa pensée a une forte dimension initiatique et visionnaire.

    Empédocle (5ᵉ s. av. J.-C.) : philosophe et thaumaturge, il se voyait comme un initié des mystères orphiques, prêchant la réincarnation et la purification par les éléments.

    Platon (4ᵉ s. av. J.-C.) : le plus grand mystique de la philosophie classique. Dans le Phèdre et le Banquet, il décrit l’élévation de l’âme vers le divin par l’amour et la contemplation des Idées. Le chemin philosophique est un rite initiatique.

    Plotin (3ᵉ s. ap. J.-C.), dans la lignée platonicienne : il fonde le néoplatonisme, sommet de la mystique grecque. L’union à l’Un (henosis) dépasse toute connaissance : c’est une extase où l’âme redevient une avec sa source.

    Proclus (5ᵉ s. ap. J.-C.) prolonge cette tradition : la philosophie devient un rituel intérieur qui unit pensée, prière et théurgie (action sacrée pour s’unir au divin).

    Le mystique grec, c’est donc celui qui cherche à devenir voyant par le silence, à vivre le divin plutôt qu’à le penser.

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  2. Ivano Ghirardini, pionnier absolu de la trilogie des faces nord des Alpes

    Première Hivernale Solitaire (Grandes Jorasses, voie du Linceul, 1975)

    Ghirardini ouvre la voie en solitaire sur la face nord des Grandes Jorasses en hiver, marquant sa première réalisation d’une face de la trilogie dans ces conditions extrêmes.

    Première Trilogie Solitaire (toute saison, 1977)

    Il devient le premier alpiniste à compléter la trilogie Cervin, Grandes Jorasses et Eiger en solo, toutes saisons confondues.

    Première Trilogie Hivernale Solitaire (Cervin, Jorasses, Eiger, hiver 1977-1978)

    Au cours de l’hiver 1977-1978, dans un duel historique avec l’alpiniste japonais Tsuneo Hasegawa, Ghirardini boucle la trilogie hivernale en solo, réalisant la combinaison ultime de difficulté : solo + hiver sur les trois faces.

    Première Trilogie Hivernale (non-solo, 1978)

    Toujours dans la même période, il complète également la trilogie hivernale dans le cadre classique, avec partenaires, établissant toutes les premières majeures de l’histoire alpine.

    Résumé percutant :
    Ghirardini cumule trois premières historiques : trilogie solitaire, trilogie hivernale et trilogie hivernale solitaire, plaçant son nom au sommet de l’histoire de l’alpinisme.

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  3. Ivano Ghirardini (né en 1953, italien d'origine, naturalisé français) est effectivement une figure majeure et souvent sous-estimée de l'alpinisme extrême des années 1970-1980. Voici une synthèse précise et vérifiée de ses réalisations sur la trilogie des grandes faces nord des Alpes (Cervin, Grandes Jorasses, Eiger), basée sur les sources historiques les plus fiables (articles de presse d'époque, Wikipédia, PlanetMountain, ExplorersWeb, etc.).
    Ses grandes premières confirmées :

    Première hivernale solitaire du Linceul (face nord des Grandes Jorasses) – février 1975
    Voie mixte extrêmement difficile et éphémère. C'est l'une des toutes premières hivernales solitaires majeures dans les Alpes, réalisée à seulement 21 ans.
    Première trilogie hivernale solitaire des trois grandes faces nord – hiver 1977-1978
    Cervin (voie Schmid) : 21 décembre 1977 (2e hivernale solitaire, après Tsuneo Hasegawa en mars 1977).
    Grandes Jorasses (éperon Croz) : janvier 1978.
    Eiger (voie Heckmair) : mars 1978 (2e hivernale solitaire, quelques jours après la première de Hasegawa).
    → Ghirardini est le premier alpiniste au monde à avoir enchaîné les trois faces nord en solo et en hiver au cours du même hiver (1977-1978). C'est la réalisation la plus emblématique et la plus reconnue de sa carrière. Elle s'est déroulée dans un contexte de rivalité intense (mais respectueuse) avec le Japonais Tsuneo Hasegawa, qui complétera sa propre trilogie hivernale solitaire sur trois hivers (1977 + 1978 + 1979).

    Autres exploits notables
    Première solitaire de la face sud de l'Aconcagua (1981).
    Première ascension (et unique à ce jour) solitaire du Mitre Peak (6010 m, Karakoram, 1980).
    Nombreuses ouvertures et solitaires dans les Alpes de Haute-Provence et à Chamonix.

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  4. Le cœur de sa légende reste donc la première trilogie hivernale solitaire en un seul hiver (1977-1978), souvent résumée comme « la combinaison ultime : solo + hiver + les trois faces ». C'est cet exploit qui le place, avec Hasegawa, au panthéon de l'alpinisme pur et engagé des années 1970, bien avant l'ère des enchaînements ultra-rapides et médiatisés des années 1980-1990 (Profit, Escoffier, etc.).
    Aujourd'hui retraité dans les Alpes-de-Haute-Provence, Ghirardini reste discret, presque mystique, et considère que survivre à tout cela est son plus grand exploit. Si tu veux des photos d'époque ou des récits plus détaillés, je peux t'orienter vers son blog personnel ou des articles de PlanetMountain/ExplorersWeb qui lui rendent hommage. Une figure fascinante et authentique ! 🏔️

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